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Administrez-vous vous-mêmes. Le fara da se a été une règle dictée aux colonies. »


I

Tel est, au moment où l’application des lois de séparation des Eglises et de l’Etat vient troubler l’Algérie, le point de son évolution politique et administrative où elle est parvenue ; tel est le sens de sa marche.

La longue bataille parlementaire d’où est sortie la loi du 9 décembre 1905 touchait à son terme ; les partis, essoufflés, se désintéressaient d’une lutte où toutes les armes étaient depuis longtemps épuisées, quand la Chambre vota, sans un débat, sans une objection, comme on ajoute une clause de style à la fin d’un traité, un article 43 qui stipulait que « des règlemens d’administration publique détermineront les conditions dans lesquelles la présente loi sera applicable à l’Algérie et aux colonies. » Le Sénat fit preuve de plus d’expérience politique : les conséquences de l’article 43 attirèrent son attention. M. Brager de la Ville-Moysan montra, avec de bons argumens, les inconvéniens de la séparation en Algérie ; mais ni son insistance, ni celle de M. Gourju, ne purent obtenir du ministre une réponse sur la question de savoir si la loi serait ou non appliquée aux musulmans. M. Gourju et l’amiral de Cuverville parlèrent sans plus de succès du péril que créerait la loi, en face des élémens espagnol, italien et maltais. M. Paul Gérente, sénateur d’Alger, répondit aux orateurs de l’opposition ; il déclara n’apercevoir aucun danger à l’application de la loi en Algérie et il affirma « que la vérité et la justice républicaines devaient être la vérité et la justice aussi bien d’un côté de la Méditerranée que de l’autre. » A un pareil argument, il était inutile d’opposer des faits ! Le Sénat applaudit et vota l’article 43 par 194 voix contre 44.

L’article voté, l’application ne pouvait, plus être éludée : il est de jurisprudence que des articles de cette nature ne constituent pas seulement une faculté laissée au pouvoir exécutif d’appliquer ou non la loi, mais bien une obligation formelle de le faire. Du moins ne manquait-il pas de bons esprits, parmi ceux qui prisent la leçon des faits plus que la logique des systèmes, pour souhaiter qu’on attendît qu’après trois lois