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martyr deviendraient l’occasion ? La population espagnole n’a pas, comme les Italiens du Sud, l’instinct d’agrégation ; elle n’a ni écoles, ni sociétés, ni institutions de bienfaisance ; mais, le jour où elle se croira menacée dans sa foi, la religion lui donnera le lien et la cohésion qui lui manquent ; ses prêtres deviendront le noyau de cristallisation autour duquel s’agrégera la communauté espagnole. M. Démontès estime que « les principes de neutralité religieuse des Français d’aujourd’hui ne nous permettent pas de faire de la religion un instrument d’assimilation ; » mais il devrait ajouter que, par le seul fait que les prêtres étaient tous Français et enseignaient en français la religion, celle-ci devenait un instrument d’assimilation. Il ajoute que « le gouvernement, dans l’intérêt de la cause française en Algérie, ne saurait laisser transformer cette religion en arme de combat contre nos institutions et nos mœurs, » mais il n’indique pas le moyen de l’empêcher ; il se contente de parler vaguement de « précautions minutieuses. » Toute espèce de mesure répressive irait directement contre son but en provoquant le mécontentement des populations de race étrangère. Le seul remède, c’est de venir en aide au clergé français, de l’aider à vivre et à continuer son œuvre patriotique et unifiante. Toute guerre religieuse deviendrait très vite, en Algérie, une guerre de race qui serait désastreuse pour l’hégémonie française. On ne peut se demander sans anxiété quels troubles naîtraient dans l’Afrique française le jour où le Saint-Siège, faisant droit au désir de la majorité catholique du diocèse d’Oran, nommerait dans cette ; ville un évêque espagnol, ou, si l’on veut, un Espagnol devenu citoyen français par le jeu automatique de la loi de 1889, et où un Italien serait intronisé à Carthage sur le siège archiépiscopal de Lavigerie ! Il n’y a pas, jusqu’ici, en Algérie, d’élément séparatiste : souhaitons que, dans peu d’années, les conséquences de la loi de 1905 n’en fassent pas surgir un.

En même temps qu’elle risque d’accroître la cohésion des étrangers en Algérie et de les mécontenter gravement, la Séparation menace de tarir, tout au moins de ralentir, l’immigration française et de briser la forte unité de nos nationaux en face des étrangers et des indigènes. Jusqu’à présent, quand des villages nouveaux étaient ouverts à la colonisation, une église y était construite par les soins du gouvernement qui s’entendait avec les évêques pour y assurer le service du culte ; pourra-t-il