plein, comme on dit, les hommes qui n’ont fait qu’un an de service continueront défaire 28 et 13 jours, tandis que ceux qui ont fait deux ans, ou plus, bénéficieront de la réduction des périodes. C’est là à nos yeux du pur empirisme, destiné à masquer la retraite du gouvernement. Si, d’après l’ancienne loi, un certain nombre d’hommes ne faisaient qu’un an, la majorité en faisait trois. Dorénavant, tout le monde en fera deux ; on gagnera un peu d’un côté, mais on perdra davantage de l’autre ; la force générale de l’armée en sera diminuée. Il n’y a donc là aucun bon motif de réduire la durée des périodes d’exercice Mais passons : le projet du gouvernement n’est pas encore bien coi nu, et peut-être n’est-il pas définitif ? Tout ce que nous demandons, c’est qu’il ne reste pas incorporé au budget, et que le Sénat prononce la disjonction qui a été rejetée par la Chambre. La disjonction a pour objet de maintenir la réforme hors du budget, ce qui permet de l’étudier en elle-même et pour elle-même. Elle aurait pour conséquence de ne pas donner la consécration sénatoriale à la mauvaise méthode adoptée par la Chambre. Elle serait un arrêt, au moins momentané, dans la voie de la capitulation.
Au cours de ses explications, M. le ministre de la Guerre a laissé échapper un aveu bien étrange : la Chambre en a paru surprise et émue, bien que les membres de sa majorité sussent mieux que personne ce qu’il fallait en penser. Peut-être a-t-elle été plus embarrassée que scandalisée. M. le ministre a dit qu’il n’en serait certainement plus de même à l’avenir, mais que, dans le passé, un bon tiers des réservistes et des territoriaux avaient trouvé le moyen d’échapper aux périodes d’instruction. Que devient donc l’égalité devant la loi ? On se doutait bien qu’elle n’existait plus, mais on n’en avait pas jusqu’ici une reconnaissance officielle et gouvernementale. Devant cette vérité si franchement dévoilée, la Chambre s’est troublée. Elle a reconnu son œuvre dans les faveurs si nombreuses dont jouissent ceux qui votent bien, à l’exclusion de ceux qui votent mal. M. Clemenceau aurait sans doute voulu pouvoir retenir sur les lèvres du général Picquart la parole qui en était imprudemment tombée, mais il était trop tard. Mors il a senti le besoin d’une diversion et, se tournant d’un air irrité du côté de la droite : — Ce sont vos curés, s’est-il écrié, qui obtiennent toutes les exemptions qu’ils veulent pour leurs amis ! — Mais personne ne l’a cru. Les curés ont-ils été autrefois aussi puissans qu’il l’a dit ? Nous n’en savons rien, nous ne le croyons pas : en tout cas, ce temps est bien passé. Ce sont maintenant d’autres influences qui agissent sur les autorités militaires par l’intermédiaire obligatoire et