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« démocrates ; » en quoi consistent leurs différences actuelles ? Naguère, ils furent géographiques : le Sud était démocrate, le Nord était républicain. D’où les républicains vainqueurs se trouvèrent représenter le « pouvoir, » et les démocrates vaincus l’ « opposition. » Puis le libre-échange servit de plate-forme ; en apparence du moins, car au fond on était à peu près aussi protectionniste des deux côtés.. Ensuite, ce fut la question du double étalon : M. Bryan, candidat démocrate et métaphorique, accusa ses adversaires de pousser la haine du métal-argent jusqu’à vouloir « crucifier les farmers de l’Ouest sur une croix d’or. » L’image était hardie, elle alla aux nues pendant quinze jours : après quoi, le peuple américain, avec son bon sens ordinaire, reconnut que la libre frappe de l’argent, c’était une banqueroute déguisée, dont il serait la première victime, et l’étalon d’or fut accepté par les deux partis.

Plus récemment, vinrent les débats sur les trusts et les chemins de fer. Les républicains passaient pour leur être inféodés, et les démocrates pour leur être hostiles ; mais, sous le président républicain Roosevelt, les puissantes corporations ont été plus malmenées, et leurs chefs ont entendu des paroles plus dures qu’ils n’en avaient jamais ouïes. Les démocrates ne pourraient surenchérir sans troubler le pays, ce qu’ils n’auraient garde de faire. De sorte que cette pomme de discorde aussi doit être abandonnée, et qu’il n’y en a guère d’autre, sinon quelque divergence de point de vue sur ce qu’on nomme l’« impérialisme, » sur le régime des Philippines, un certain goût d’expansion et de domination au dehors et quelque tendance à la centralisation au dedans. Mais tout cela est bien vague ; parce que les démocrates ne sont pas moins susceptibles patriotes que les républicains, ni les républicains plus belliqueux que les démocrates, et tous s’accordent sur ce point que l’Amérique, si elle était attaquée, doit être capable de se défendre.

Il est donc impossible de voir ce qui peut diviser cet heureux pays ; pourtant, il faut trouver quelque chose pour remplir des programmes opposés, afin de justifier l’existence de candidats concurrens. Les états-majors y pourvoiront, mais cela ne tirera pas à conséquence. Le président pourra changer, mais non pas sa politique.