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pour une religion plus positive. Mais nul ne se résoudrait à accepter le magistère du catholicisme ; la notion même leur en est tout à fait étrangère.

Un épiscopalien pieux, causant avec un catholique sincère, déplorera volontiers l’état d’émiettement des croyances, parmi ceux de ses concitoyens qui demeurent disciples de Jésus-Christ. Il lui demandera s’il ne serait pas possible de s’entendre et de travailler à l’union des Églises « par de mutuelles concessions, par exemple sur la présence réelle dans l’Eucharistie ; » il lui fera cette proposition de la meilleure foi du monde, sans en apercevoir l’inconséquence énorme, sans se rendre compte que le chaos dont il s’afflige a précisément pour auteur l’indépendance des interprétations personnelles, que les conventions et les arrangemens les plus concilians ne pourraient enfanter qu’une dix-millième secte et que le seul ciment de l’unité est l’humble soumission des catholiques à l’autorité de leur église. Les ritualistes les plus voisins du catholicisme demeurent donc séparés de l’Église romaine par un fossé profond.

La plupart d’entre eux en sont éloignés aussi par les convenances mondaines, par le bon ton. L’Église catholique est « inélégante ; » c’est là-bas en général l’église des petits et des pauvres. Madame a son banc, — son pew, — à côté de celui de ses amies qu’elle retrouve le dimanche à l’ « office, » quand elle y va ; à la messe, elle rencontrerait surtout sa cuisinière. Ne rions pas ; « nous sommes chrétiens, écrivait Montaigne, au même titre que nous sommes périgourdins ou allemans ; nous nous sommes rencontrés au pays où cette religion était en usage. » Cette remarque, moins vraie qu’au temps de Montaigne, l’est encore beaucoup.

Il existe chez certains puritains des préjugés incroyables contre les catholiques. J’ai entendu un chef d’industrie, d’esprit très ouvert et plutôt indifférent en matière religieuse, expliquer à un ami que les prêtres catholiques, au confessionnal, permettaient aux domestiques de voler leurs maîtres quand ils étaient protestans. Sans avoir à se défendre d’accusations aussi bouffonnes, les catholiques sont parfois en butte à un sourd ostracisme dans les villes de la Nouvelle-Angleterre. Ils n’ont à redouter aucune injustice positive ; mais le fait d’appartenir à l’Église romaine est susceptible de nuire quelque peu à leurs affaires ou à leur avancement. « Je suis catholique, mais je ne