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davantage à peine d’amende. — Un enfant en nourrice coûte aussi cher que le loyer de la maison, mais en revanche on paiera le linge assez bon marché, huit deniers pour une chemise d’homme, quatre pour une chemise de femme, six deniers pour des chausses. On s’habillera convenablement avec une dizaine de sous, dont deux sous pour des chaussures, en cuir de Cordouan, les meilleures. La nourriture d’une maisonnée de cinq ou six personnes vaut par journée un peu moins de quatre sous, et encore faut-il faire bonne chère. Si l’on additionne les frais indispensables et qu’on y ajoute les extras, les habits de fêtes, les redevances à la confrérie, le maître patron ne peut vivre qu’en écoulant, par an, pour une centaine de livres d’objets. Or la livre d’alors est, en valeur réelle, à peu près la livre sterling, et en puissance, trois ou quatre fois plus, suivant les cours et la dépréciation des monnaies. Nous pouvons donc soutenir que cent livres représentent plus de cinq mille francs d’à présent ; ou mieux, qu’on peut faire avec cent livres ce qu’un boutiquier parisien d’aujourd’hui ferait avec cinq mille francs. Ce n’est pas la grande aisance, mais c’est la vie assurée.

Aux causes de pertes s’ajoutent celles qui proviennent des épidémies, des guerres, de la majoration des produits nécessaires au métier. Les couleurs achetées chez l’épicier sont chères ; on en a pour plus de dix livres l’année, soit près de 5 ou 600 francs en puissance relative.

Et puis, l’ouvrier parisien n’est pas de caractère naïf, de tempérament calme, comme ses confrères de la Flandre ou de l’Allemagne. Il aime la fête, la bamboche. Christine de Pisan nous dira plus tard les bonnes raisons que ces gens invoquent pour aller au cabaret. D’après elle, l’ouvrier, — elle dit déjà l’artiste, — raisonne ainsi : « Le temps de notre vie est petit et plein d’ennuy, et en la fin n’avons mie repos... Partant, nous userons nostre jeunesse à suivre nos volontés et nous nous emplirons de vin et de viandes, et partout nous montrerons les traces de nos liesses ! »

Sur ce point, l’artisan de Paris ne chôme guère ; pour le patron, le cabaret, le jeu de dés, c’est la ruine ; pour l’ouvrier, c’est la misère et souvent la prison. L’apprenti lui-même s’en môle, et le nombre des lettres de l’émission octroyées par le Roi, à la suite d’un meurtre, nous montre jusqu’où la débauche de la classe ouvrière était alors poussée. Il s’ensuivait un inconvénient plus