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l’alliance entre l’amateur éclairé et l’artiste est consacrée, et c’est Paris qui aura connu les premiers Mécènes, au sens moderne du mot, Philippe duc de Bourgogne, Jean duc de Berry, et Louis Ier d’Anjou roi de Sicile. Et ceux-là ne se contenteront plus d’admirer de confiance, ils ordonneront, ils voudront, ils conseilleront, et ne se contenteront qu’à bon escient.


II

Jusque-là, les deux corporations de peintres proprement dits, imagiers ou selliers, avaient suivi les ordonnances relatives aux corporations ouvrières. A vrai dire, ils se confondaient de plus en plus entre eux, les imagiers ou sculpteurs entreprenant parfois des travaux de décoration peinte, les selliers sculptant des figures sur bois ou sur ivoire qu’ils a polychromaient » ensuite. Leurs jurés fermaient d’autant plus les yeux sur ces empiétemens que très souvent ils avaient à juger l’œuvre d’ouvriers employés par le Roi et les Princes. Il va de soi, — et ceci est de tous les temps, — que le peintre, logé par le Roi au Louvre, comme Girart d’Orléans, échappait à la critique de ses pairs. Ce n’est pas lui d’ailleurs qui eût appliqué son or sur un fond d’étain au lieu de l’argent requis ; qui eût pris de méchantes couleurs, ni employé des bois mal séchés ou morts sur pied. Mais, vis-à-vis de moindres personnages, la tyrannie des syndicats professionnels s’exerçait dans toute sa rudesse. Pour la moindre infraction aux statuts, l’ouvrier-maître voyait son œuvre condamnée. On ne la brûlait point, parce qu’elle représentait le plus ordinairement des images sacrées, mais on la grattait, et on le contraignait à la reprendre sur de nouveaux frais. Les jurés du métier trouvaient là matière à satisfaire leurs rancunes, à arrêter la concurrence, à favoriser leurs créatures. Ils en abusaient, sous l’autorité du Prévôt des marchands, qui leur donnait bien rarement tort. Les règnes de Jean le Bon et de Charles V connurent à son maximum la brutalité des corporations ; mais, à l’avènement de Charles VI, une cause fortuite en vint bouleverser l’ordonnance. Les conseillers du jeune roi avaient cru pouvoir abolir certains impôts comme don de joyeux avènement ; presque aussitôt, il avait fallu les rétablir. De là le soulèvement des corps de métiers connu sous le nom d’« émeute des Maillotins. » L’histoire ne dit pas que les peintres y aient tenu une place prépondérante, mais il est