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La guerre des Anglais, l’occupation de Paris contribuèrent à disperser les artistes parisiens. C’est alors que se forment les centres de Tours, de Rouen, d’Amiens, de Troyes, de Lyon, d’Avignon, pour ne citer que les plus célèbres. Mais partout la condition sociale des peintres, établie par les Parisiens, fut conservée à peu près intacte jusqu’au XVIe siècle.

Et si, par le mot Primitifs, nous voulons entendre l’artiste naïf, consciencieux et simple qui, n’écoutant que son propre instinct, applique à un idéal l’étude des formes ou des êtres de son entourage, sans chercher dans les bas-reliefs romains le costume d’un centurion, sans vêtir ses apôtres comme des patrices, c’est à Paris, au XIIIe siècle, que nous verrons les primitifs les plus sincères. Et ces hommes sont des laïques, de modestes artisans, de petites gens, sans beaucoup de science apprise. Ils n’ont que de bons yeux et des mains supérieurement habiles, dirigés par une pensée neuve, candide, vierge d’influences. Regardez à la Bibliothèque nationale le Psautier de saint Louis ; et comparez-le aux œuvres de Cimabue, qui sont ses contemporaines. La preuve sera faite. Or, l’enlumineur du Psautier reproduisait très vraisemblablement les histoires que lui avait fournies un peintre-sellier parisien. Par sa traduction, nous jugerons le talent du maître inventeur, qui pouvait être, comme homme privé, un très méchant sujet, mais qui, comme artiste, était sûrement un homme de génie.


HENRI BOUCHOT.