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paraît bientôt sous d’énormes torsades. Ces masses capillaires, dont les étrangers s’offusquent peut-être, ravissent les Coréens. Ainsi frusqué et coiffé, le fils de Chosen complète sa tenue d’un chapeau qui ne diffère des « tuyaux » de chez nous que par le conique de sa forme et le réduit de son diamètre. Il est bien entendu que seul le chignon doit y pénétrer : la stabilité du couvre-chef doit donc être assurée par deux cordons qui font gentiment rosette sous le menton. Avec un tel chapeau, la pluie, le soleil, le vent ont beau jeu contre le malheureux Coréen. Telle est la forme du costume. Mais que dire des matériaux employés ? Une toile grossière, tissée dans l’intérieur de chaque maison pour les besoins de la famille, en fait presque seule les frais.

En regard de cet ajustement si compliqué, les vêtemens japonais apparaissent d’une remarquable simplicité. Hommes et femmes, enfans et vieillards, portent sans distinction le kimono foncé et la plupart du temps seul pensionnaire de la garde-robe. Aussi ample qu’une blouse et tombant à plis aussi longs qu’un kaftan, le kimono recouvre son homme de la tête aux pieds. Avec lui, pour la majorité des gens, ni chapeau, ni souliers, ni même linge de corps ne sont nécessaires. Mais, au cours des dernières années, la population des villes, tout en lui restant fidèle, l’a sans aucun bonheur marié à d’étranges accessoires, chapeau melon, souliers à lacets qui déparent sa grâce de robe flottante. Ainsi vêtus, les citadins nippons semblent s’aventurer dans la rue en manteaux de bain. Bien loin de porter le kimono, chaussés de hautes sandales à forme de cothurne, ils s’ingénient, pour le caricaturer, à s’adresser aux modes occidentales à chapeaux de toute forme, chemises à col empesé et chaussettes, avec mission de faire paraître aux Coréens à gros chignon la civilisation supérieure de leurs vainqueurs.


VI. — L’ADMINISTRATION JAPONAISE. LE MARQUIS ITO, GOUVERNEUR-RÉSIDENT


Toute entreprise de colonisation implique deux grandes difficultés : recruter des colons sérieux et travailleurs ; former un corps de fonctionnaires qui n’abuse pas de son pouvoir à l’égard de la population indigène. Sur ces deux points, toutes les nations colonisatrices ont été en butte aux accusations qui, en Corée, sont renouvelées contre les Japonais. Il est des gens qui vont aux causes vaincues, moins dans l’espoir de leur ramener la for-