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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 43.djvu/199

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passés sous les aisselles et faisant levier, obligeant ainsi les épaules à se rapprocher. Puis le bourreau, pour remettre les os à leur place naturelle, ramène violemment vers lui les bras du torturé en s’arc-boutant du pied sur sa poitrine. S’agit-il d’extorquer des aveux ? Dépouillé de ses vêtemens et ligoté, l’accusé, suspendu par les bras, reçoit les coups de bâton en volée. Les lèvres du malheureux écument bientôt et la langue reste pendante ; le visage tourne au violet. Pour prévenir une mort trop rapide, on le laisse respirer quelques minutes sur le sol, quitte à le rehisser à bonne portée quelques instans après. La corde de crin, habilement maniée de droite et de gauche, vient également taillader les chairs et endommager les os.

Le bon plaisir des juges réglemente ces tourmens : la haine des chrétiens leur a parfois inspiré d’inouïs raffinemens de supplices. La peine de mort une fois prononcée, défense est faite d’infliger au condamné une torture quelconque : il doit seulement apposer sa signature à l’acte de condamnation, afin d’en reconnaître le bon droit. S’il s’agit d’un haut dignitaire, des poisons administrés dans le secret de la prison sont l’instrument de mort obligatoire.

Des soldats japonais sont de garde devant la porte de la prison bondée de prisonniers politiques. On renforce sans cesse leur nombre, les arrestations importantes se multipliant de jour en jour. À chaque instant, dans les rues, au milieu d’un groupe de plusieurs Nippons, paraît un personnage coréen en route vers quelque cachot. Nombreux sont ceux qui contre cette destinée cherchent un secours dans le suicide. Bien souvent, dans la rue, un cliquetis d’arme à feu vous arrête. Puis c’est vers l’hôpital le transport d’un blessé ou d’un cadavre. Les larges rues, jadis si paisiblement ensoleillées, sont mornes et sanglantes. Et comme pour marquer un deuil, les pluies ne cessent cette année de se précipiter et les nuages grisâtres d’ensevelir la ville.


VIII. — LES PALAIS IMPÉRIAUX


Dans cette désolante tristesse, le palais impérial, remarquable par une double rangée de colonnades, fait figure de mausolée. La rigide façade, de pierres entièrement blanches, surplombe en gigantesque sarcophage les chaumières environnantes, — humbles tombeaux de cimetière. L’empereur coréen y vit enterré.