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Cet étrange palais m’étonne. Il a surgi depuis mon dernier voyage. Le souvenir de l’audience impériale qui me fut accordée est associé à un fouillis de petites maisonnettes reliées de corridors en bois. Dominant les pavillons à toit de pagode et les cabanes en bois, ce monument gréco-romain m’est incompréhensible. Demeure étrange d’un monde plus étrange encore. Sous les mêmes toits s’entassent les puissans personnages et les plus infimes esclaves. Il m’a été donné d’y rencontrer des hommes aux manières exquises et d’une rare culture, auprès d’eunuques géans et blafards, fiers de leurs rapports quotidiens avec le monarque, de leur puissance largement rémunérée par les plus hauts dignitaires de l’Empire. Lors des audiences impériales, le chef des eunuques est debout près du monarque dont il est l’ombre vivante, témoin des moindres gestes du souverain qui, à son insu, ne laisse pas tomber une parole.

La capitale compte quatre palais impériaux. Le dernier édifice a été construit par un souverain désireux d’échapper à la hantise des souvenirs malheureux et qui, hélas ! renouvela seulement la scène de ses désastres. L’un des palais se trouve auprès de la porte orientale ; l’autre, vers le Nord, au pied du Puk-Han ; le troisième, dans l’Est extrême de la ville. L’édifice gréco-romain se dresse au cœur de la capitale. L’Empereur, autrefois, résida à tour de rôle dans les trois palais, commençant son règne dans le Chiang-duk-Koung, situé à l’Orient, dans un site qui, malgré l’abandon, semble encore de rêve. À mi-montagne, les pavillons aux toits en parasol et les kiosques bien sculptés, ceinturés de jardins d’agrément et de rivières artificielles, développent à la faveur d’un bois séculaire leur labyrinthe plein de surprises. Déjà, l’été déclinant, les feuillages et les massifs ont pris des teintes de feu. Par les tonnelles et les charmilles délaissées, on croit errer au château de la Belle au bois dormant.

Un serpent vint un jour à se dégager d’une gouttière. Consultés, les astrologues et devins virent dans ce fait un avertissement secret. Leurs conseils furent acceptés. Après quatre années de séjour, la cour émigra vers Kyeng-Pok-Koong, le palais septentrional. Les cours d’honneur dallées de marbre blanc, rafraîchies de canaux et de viviers, les ponts arches, les portails parsemés de clous dorés y font revivre le palais d’Hiver de Pékin, dont la salle du trône reparaît également avec ses marches et ses bornes marquant la place de chaque dignitaire. Jamais éti-