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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 43.djvu/236

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s’élève à une soixantaine de millions. Puisqu’on renonce à le faire disparaître au moyen d’économies qui semblent impossibles, ou de le combler au moyen d’impôts nouveaux qui restent insuffisans, l’emprunt s’impose : on émettra, a dit M. Poincaré, des obligations sexennaires. Qui sait, cependant, si on en aura besoin ? Ne sommes-nous pas dans la période des vaches grasses ? Pour peu qu’elle se prolonge, les choses s’arrangeront automatiquement : une fois de plus le pays jettera dans le plateau des recettes les fruits de son travail pour remettre en équilibre le fléau de la balance. Souhaitons-le. Si cette réussite se produit, nous aurons été plus heureux que sages. Compter sur le hasard pour réparer ses fautes est assurément une détestable politique. C’est la nôtre, cette année. M. Poincaré s’y est résigné ; mais il a conseillé de ne pas recommencer.

La discussion générale du budget au Sénat a consisté tout entière dans l’exposé de la situation qui a été faite par lui. M. le ministre des Finances ne lui a répondu que pour la forme, d’une manière partielle et évasive, et sans se faire aucune illusion sur le sort qui l’attend. Le Sénat votera les solutions que sa Commission lui propose. Mais que pensera le pays, lorsqu’il comprendra que l’ère des plus-values, et des plus-values les plus considérables qu’on ait vues depuis longtemps, concorde avec celle des budgets en déficit ?


Au moment où nous écrivons, le Sénat discute les budgets spéciaux. La discussion du budget des Affaires étrangères a été intéressante : elle a permis à M. Pichon de faire un exposé complet de notre politique, exposé qui, dans sa bouche, devait être un peu optimiste, mais qui a été cependant exact. Notre politique extérieure est conduite avec plus de prudence que notre politique intérieure. L’affaire du Maroc est celle qui nous préoccupe le plus. M. Pichon n’a pas caché qu’elle durerait longtemps, et il a laissé entendre que, pas plus que nous, il ne prévoyait comment elle évoluerait. Mais nous n’en parlerons pas davantage aujourd’hui : elle a été l’objet d’une étude approfondie dans une autre partie de la Revue.

Nous attendons la discussion du budget de la Guerre avec l’espoir que le Sénat ne commettra pas la même faute que la Chambre, et qu’il opérera la disjonction de la question des 28 et des 13 jours. Depuis que nous en avons parlé, il y a quinze jours, un événement d’une signification très grave s’est produit. Le Sénat avait renvoyé l’étude de la question à la Commission de l’armée, qui a pour président M. de Freycinet et pour vice-président M. Alfred Mézières, deux