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hommes dont nul ne peut contester la compétence en matière militaire, non plus que le dévouement aux intérêts de l’armée, qu’ils ne distinguent pas de celui de la patrie. On sait le rôle que M. de Freycinet a joué en 1870-1871 à la délégation, et, depuis, au ministère de la Guerre : quant à M. Mézières, il a été, pendant de longues années avant de devenir sénateur, élu et réélu à la présidence de la Commission de l’armée à la Chambre des députés, et a acquis dans l’exercice de cette haute fonction une autorité hors de pair. Aussi l’émotion a-t-elle été extrêmement vive lorsqu’on a appris, un soir, que M. de Freycinet avait donné sa démission de président, et M. Mézières de vice-président. Pourquoi ? Parce que, contrairement à leur avis, la Commission de l’armée avait décidé en principe la réduction de la durée des périodes d’instruction militaire. On ne pouvait pas attribuer leur résolution à un mouvement d’impatience irréfléchie qui n’est ni de leur caractère, ni de leur âge. M. de Freycinet, en particulier, avait apporté son concours à la Commission de l’armée dans l’œuvre délicate, difficile, infiniment périlleuse, de la réduction du service militaire à deux ans : il ne saurait donc être suspect à la majorité du Sénat. Pour rester d’accord avec elle, il a poussé l’esprit de conciliation aussi loin que possible ; mais il est arrivé à une limite que son patriotisme lui a interdit de franchir. A ses yeux, le service de deux ans ne peut être appliqué sans détriment pour l’armée que dans des conditions très précises, et l’une d’elles est précisément le maintien intégral des périodes d’exercice de 28 jours pour la réserve et de 13 jours pour la territoriale. Il l’a dit à la Commission avec l’éloquence simple et pénétrante qu’on lui connaît. Il espérait sans doute, et nous espérions comme lui que la Commission serait frappée de ce qu’il y avait d’énergique et de résolu dans son opposition, opposition dont il n’a jamais abusé et dont il n’a même usé que lorsque le devoir impérieux de le faire s’est imposé à sa conscience. Mais la Commission a passé outre et s’est prononcée pour la réduction des périodes militaires. Alors M. de Freycinet a déclaré qu’il ne se sentait plus l’autorité nécessaire pour diriger ses travaux, encore moins pour parler désormais en son nom : il a donné sa démission de président. M. Mézières l’a suivi dans sa retraite. La Commission s’est montrée émue, touchée, troublée ; elle a prodigué à MM. de Freycinet et Mézières les marques de son estime, de sa considération, de son affection ; elle a refusé de pourvoir aux vacances que leur démission avait produites ; elle a espéré que tout s’arrangerait au commencement de l’année et de la session prochaines, et son espoir se réalisera peut-être. Mais il ne