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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 43.djvu/243

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qu’une minorité dérisoire ; mais, au train dont marchent les choses, qui sait s’il n’aura pas sa revanche un jour ?


La Perse est décidément très loin de l’Europe. Des événemens considérables s’y passent ; mais il est difficile d’en réunir les élémens et d’en garantir l’exactitude. Le seul point hors de doute est que, depuis quelque temps, la Perse est troublée, et que l’introduction du gouvernement parlementaire semble avoir ajouté au désordre qui y règne plutôt qu’elle ne l’a supprimé. Cela viendra sans doute plus tard. Le gouvernement parlementaire, ayant pour objet de donner au pays lui-même une participation à ses propres destinées, est fait pour produire de bons résultats, pourvu cependant qu’on en mesure l’application aux besoins véritables et aux mœurs de chaque pays. Mais s’il est dans la nature des gouvernemens qui visent à l’autocratie d’empiéter sur les attributions des parlemens, il ne l’est pas moins dans celle des parlemens d’empiéter sur le pouvoir exécutif. Quoi qu’il en soit, la situation ne s’est pas améliorée depuis que la Perse jouit d’une assemblée délibérante, et on comprend que le nouveau shah, qui paraît être énergique, éprouve des accès d’impatience au cours desquels il oublie les sermens multipliés qu’il a prêtés à la Constitution. Ces sermens sont déjà au nombre de quatre : mieux vaudrait qu’il n’y en eût qu’un et qu’il fût bon.

Une émeute, due à un incident sans gravité en lui-même, a éclaté à Téhéran, et a opposé l’un à l’autre les deux partis : celui de l’ancien régime et celui du nouveau. Un marchand a été assassiné par des soldats : cela a suffi pour mettre le feu aux poudres dans un pays où, il y a quelques semaines, l’assassinat du premier ministre n’avait pas paru avoir plus d’importance qu’un fait divers. Cette fois, Mohammet Ali shah a arrêté et emprisonné plusieurs de ses ministres, et le parlement, qu’on appelle le Medjhs, a vu là une menace pour lui : il s’est déclaré en permanence et a fait appel à ses partisans pour le protéger. Le shah s’est entouré de son armée, qui semble fidèle, et il a fait appel, lui aussi, aux partisans de l’ancien régime, non seulement dans la ville, mais dans la campagne environnante. Les deux armées se sont trouvées face à face, et on s’est demandé ce qui allait arriver. Jusqu’ici, il n’est rien arrivé du tout : il semble que les deux partis, après avoir mesuré leurs forces, aient jugé plus sage de ne pas pousser les choses à bout. S’il en est ainsi, nous nous en réjouissons. Au premier moment, le Medjlis voulait la déposition du shah, et le shah voulait sans doute la suppression du Medjlis ;