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Alors, il est bon de se souvenir des mécomptes que réservent aux Européens ces guerres en pays primitif : les luttes perpétuelles, plus que trentenaires, des Hollandais à Atchin (île de Sumatra), l’échec sanglant des Italiens en Abyssinie, les lourds sacrifices qu’ont dû faire les Allemands dans leur guerre du Sud-Ouest Africain contre les misérables tribus des Herreros qui ne comptaient pas, en tout, 200 000 hommes, femmes et enfans compris. Toute l’histoire de la colonisation nous crie la prudence quand il s’agit d’un pays montagneux, peuplé de 5 à 6 millions d’habitans fanatiques.


IV

Tout projet d’hégémonie et de tutelle politique au Maroc étant écarté, quelle doit être notre attitude à l’égard de ce pays, pour sauvegarder efficacement nos possessions algériennes et sahariennes ?

Tout à fait au début de ce siècle, nous avions pris la bonne voie et il est regrettable que nous l’ayons abandonnée, pour une autre qui nous semblait plus glorieuse et plus rapide. Forts des droits que nous reconnaissait le traité de 1845, conclu après notre victoire d’Isly, nous avions en 1901 (20 juillet) et en 1902 signé avec le Maroc des protocoles relatifs à la police et au commerce de notre zone frontière que la prise de possession par nous des oasis du Touat et du Tidikelt avait singulièrement prolongée vers le Sud. Le Makhzen avait consenti à se concerter avec nous pour une police commune, pour l’établissement de marchés. C’était là une très sage et très prévoyante politique. Quoique toutes les clauses de ces protocoles n’aient pas été observées, ils portèrent des fruits. C’est grâce à eux, par exemple, que nous eûmes accès à l’oasis de Figuig, centre autrefois d’hostilités violentes contre nous ; c’est grâce à eux également que nous pûmes pousser notre voie ferrée sud-oranaise jusqu’à Colomb Béchar, en plein Sahara, à 710 kilomètres de la mer (port d’Arzew). Il y eut une sorte de l’une de miel à la suite de ces protocoles. Si quelques attaques de Bérabers se produisirent contre nos convois dans le désert, l’habile organisation de nos compagnies sahariennes adoptée par le général Lyautey y mit bientôt fin. Notre voie ferrée eut un trafic notable et croissant ; on pouvait croire que la paix était définitivement établie dans