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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 43.djvu/340

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Les événemens politiques ne sont que la traduction des crises morales dont l’âme humaine est le théâtre. Les incidens survenus entre les États-Unis et le Japon sont la conséquence nécessaire du conflit d’intérêts et de passions dont nous venons d’examiner les causes.

Au début du mois d’août 1906, M. Sims, l'inspecteur américain chargé d’appliquer la loi qui interdit aux étrangers la pêche des phoques à fourrure dans les eaux de l’Alaska, informait le gouvernement de Washington que le garde-côte Mac-Cullock avait surpris, aux îles Aléoutiennes, des Japonais qui, montés sur quatre goélettes, chassaient les phoques et les écorchaient dans la limite des eaux territoriales. Le braconnage était flagrant. Les Américains sommèrent les Japonais de se rendre. Ceux-ci, au lieu de céder, essayèrent de s’enfuir. Les Américains ouvrirent alors le feu. Cinq Japonais furent tués, deux blessés, vingt-deux faits prisonniers, les goélettes et la pêche saisies. C’était un délit indiscutable, une violation certaine des règlemens internationaux qui régissent la pêche des phoques à fourrure. Il n’y avait pas dans tout cela matière à difficulté. Le secrétaire d’État américain expliqua au chargé d’affaires du Japon ce qui s’était passé et que les prisonniers seraient déférés aux tribunaux sous l’inculpation de braconnage, violation des eaux territoriales et infraction aux traités. Le chargé d’affaires reconnut que le cas n’était pas douteux. Plusieurs journaux cependant donnèrent à l’incident une singulière importance et si, au même moment, le meurtre de M. Stanford White par M. Harry Thaw n’avait pas absorbé la presse des États-Unis, — et d’ailleurs, — les commentaires auraient à coup sûr aggravé les choses. Déjà, la nervosité sincère ou factice s’accumulait ; elle était prête à éclater à la première étincelle.

C’est, comme on pouvait s’y attendre, à San Francisco même que le choc se produisit. Le 11 octobre, les autorités scolaires de la ville décidaient qu’à partir du 15 octobre suivant, les directeurs d’écoles devraient envoyer tous les écoliers chinois, coréens ou japonais à « l’école orientale publique sise entre Powell et Mason Streets sur la façade Sud de Clay Street. » Il est superflu de remarquer que la mesure répondait au vœu des Californiens. Depuis plusieurs mois, la question des écoles était à