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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 43.djvu/345

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-tielles, force était cependant de reconnaître qu’elles ne changeaient rien à la situation. M. Roosevelt donnait aux Japonais une haute satisfaction d’amour-propre : mais quoi de plus ? Il reconnaissait son impuissance en face de l’autonomie des États et il demandait au Congrès de lui fournir un moyen d’agir. C’était avouer implicitement que ce moyen n’existait pas. Sans doute, il ne renonçait pas à l’action ; il l'annonçait ; il parlait même d’employer toutes les forces civiles et militaires dont il pourrait « légalement » se servir ; il promettait de « faire quelque chose. » Quoi ? Nul ne le savait. Et déjà l’on donnait aux députés californiens l’assurance qu’il ne s’agissait pas de faire forcer par les troupes les portes des écoles. Le Président flétrissait l’attitude des autorités de San Francisco au regard de la conscience morale. Mais, au moins par prétérition, il confessait ne rien pouvoir contre elles. Il fallait donc, si des paroles on voulait passer aux actes, chercher, par des expédiens, à défaut d’une solution directe, une solution détournée.

Cette solution pouvait être d’ordre judiciaire. Déjà des enfans japonais avaient formé devant la Cour suprême de l’État de Californie un recours contre l’application qui leur était faite de la décision du Board of Education. Déjà le département fédéral de la justice avait chargé le juge Walberton, de la « Cour de circuit » de San Francisco, d’inviter le Board à expliquer les motifs de sa décision. M. Roosevelt, dès l’envoi de son message, insista pour que ces deux procédures suivissent rapidement leur cours. C’était « quelque chose, » pour reprendre l'expression du message ; ce n’était pas grand’chose. C’était d’autant moins que, peu de jours après, en communiquant au Congrès le rapport de M. Metcalf, sur la mission dont il l’avait chargé, le Président était amené à souligner le caractère rigoureusement arbitraire des mesures prises à San Francisco. De ce rapport, — d’autant plus critiqué par les Californiens que M. Metcalf était Californien lui-même, — il résultait que, sur les quatre-vingt-quinze Japonais exclus des écoles, douze seulement avaient plus de dix-sept ans ; que les petits Japonais étaient intelligens, propres et de bonne conduite ; que l’obligation d’aller à une seule école était de nature à les gêner gravement en raison de leur dispersion dans, toute la ville. Le rapport citait ensuite nombre d’exemples de boycottage ou de mauvais traitemens : pierres lancées dans les vitres des magasins japonais ou même