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— Beau temple, que ta grâce est chaude, complaisante !
jardin des langueurs, ô porte d’Orient !
Courtisane des Grecs, sultane agonisante,
Cité d’or et d’amour sous l’azur défaillant.

Tu joins l’odeur du myrte aux fastes exotiques,
Et tu meurs, des pigeons à ton sein agrafé,
Comme aux rives en feu des mers asiatiques,
La Basilique où dort sainte Pasiphaé !...


CLOCHES VÉNITIENNES


La pauvreté, la faim, le fardeau du soleil,
Le meurtrissant travail de cette enfant vieillie,
Qui respire, tressant l’osier jaune et vermeil.
L’odeur du basilic et de l’huile bouillie.

Les fétides langueurs des somnolens canaux,
La maison délabrée où pend une lessive.
Les fièvres et la soif, je les choisis plutôt
Que de ne pas goûter votre âme chaude et vive

A l’heure où, s’exhalant comme un ardent soupir.
Les cloches de Venise épandent dans l’espace
Ce cri voluptueux d’alarme et de désir.
« Jouir, jouir du temps qui passe ! »


LA MESSE DE L’AURORE


Des femmes de Venise, au lever du soleil,
Répandent dans Saint-Marc leur hésitante extase ;
Leurs châles ténébreux sous les arceaux vermeils
Semblent de noirs pavots dans un sublime vase.

— Crucifix somptueux, Jésus des Byzantins,
Quel miel verserez-vous à ces pauvres ardentes,
Qui, pour vous adorer, désertent ce matin
Les ronds paniers de fruits étages sous les tentes ?