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« liberté » qui permettrait aux moines, — ces « fakirs, » disait un autre, — de « mettre le Wurtemberg en état de siège. » D’ailleurs, en serrant les choses de plus près, on soutenait qu’il était contraire à l’égalité confessionnelle de gratifier le catholicisme de certaines libertés auxquelles le protestantisme ne pouvait prétendre. A quoi le ministre wurtembergeois Rümelin objectait avec une grande finesse que, dans les Églises issues de la Réforme, le summus episcopus se confondait avec le chef de l’Etat, et qu’on ne pouvait lui demander, en vérité, de conclure un concordat avec lui-même !

Mais, à côté et au-dessus des convenances de l’Église protestante, on invoquait contre les concordats les droits supérieurs de l’Etat. « Le caractère de l’Etat moderne, expliquait Haüsser, consiste à être affranchi des liens dans lesquels la hiérarchie le tenait enfermé : la Réforme, qui a commencé cet affranchissement, a assigné à l’Etat la haute mission morale que, depuis lors, il a remplie pour le salut du monde. Pour remplir cette mission, il ne doit être lié au service d’aucune puissance ecclésiastique. » Or les concordats, si l’on en croyait Maurice Mohl, le député wurtembergeois, « désarmaient l’Etat en face de toutes les tendances qui peuvent entrer en lutte contre les exigences de la culture intellectuelle, même contre celles de la police. » Ainsi l’Etat, en traitant avec une confession religieuse, dérogeait au devoir qui était le sien, d’incarner les intérêts de la haute culture. C’est pourquoi les universités s’émouvaient : que les membres des facultés catholiques de théologie fussent, d’après le concordat, justiciables de leur enseignement vis-à-vis de l’évêque, cela paraissait intolérable au reste du corps universitaire, et l’Etat qui signait un tel sacrifice désertait sa mission scientifique. Politiquement parlant, d’ailleurs, et c’était le principal argument, en Bade, du rapporteur Hildebrandt, « la situation accordée à l’Église par le concordat ne s’accordait pas avec l’autonomie de l’Etat, avec les droits de la souveraineté territoriale ; » bref, ce qui était en péril, c’était la conception même de l’Etat moderne.

Et puis la patrie, le germanisme allaient aussi péricliter. « La Curie reste la Curie, disait à la Chambre wurtembergeoise le prélat Mehring, et tant qu’elle reste la Curie, nous ne la comprenons pas. Ces Italiens ne connaissent pas notre situation, nous vivons sur le sol allemand ; ces Welches ne savent pas ce