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humilité, de réclamer des Chambres ce remaniement. Mais cela ne suffisait pas aux susceptibilités des législateurs ; et les députés catholiques eux-mêmes, en Wurtemberg, soutenaient, à l’exception d’un seul, que le concordat tout entier devait être soumis à la ratification des Chambres. Les rapports de l’Église avec l’Etat ne devaient pas être réglés par des traités, mais par des lois. Des traités signifiaient l’abdication de l’État, des lois seules affirmaient son hégémonie. En adoptant une politique concordataire, le pouvoir civil avait reconnu, implicitement, qu’il ne pouvait pas à lui seul légiférer sur les choses d’Église : aux yeux du parti libéral, un pareil aveu était impardonnable. Il fallait qu’en déchirant le concordat, l’État se relevât de cette humiliation : ainsi l’exigeait la dignité, ainsi l’exigeait l’intégrité nationale. A toutes les tribunes parlementaires, des sommations furent adressées aux gouvernemens. De quel droit traiter avec une puissance extra-territoriale ? demandait-on en Wurtemberg. En fait, comme l’expliquait avec une jolie finesse de langage le ministre Rûmelin, « la convention était une entente entre l’Etat et l’Église territoriale catholique, laquelle, par l’organe de l’évêque, avait désigné le Pape comme son représentant normal, constitutionnel, pour cette sorte de pourparlers, et le Pape avait été ainsi admis à traiter, en tant que représentant d’une corporation territoriale dans sa sphère d’autonomie. » De quel droit traiter avec un évêque, avec un sujet ? demandait-on en Hesse, au ministre Dalwigk, « plus dangereux, disait-on, que ne le serait un jésuite romain ? » Et Dalwigk de répondre, avec une belle noblesse d’accent :


Il y a dans un État certains droits indépendans de la législation, indépendans du caprice, toujours possible, des parlemens et du gouvernement. Les droits religieux des membres d’une église chrétienne reconnue reposent sur des fondemens plus profonds, sur des principes plus élevés, que tout ce qui se laisse régler par des actes législatifs. Une Chambre qui serait composée d’Israélites, ou d’exaltés, ou de protestans exclusifs, ou d’athées, serait-elle compétente pour régler les plus hauts intérêts religieux des membres d’Églises qui sur leurs bancs ne compteraient aucuns représentans, ou presque aucun ?


Mais en vain le protestant Rümelin soutenait-il la compétence du Pape, en vain le protestant Dalwigk déniait-il la compétence des Chambres : des majorités se formaient contre la politique concordataire, majorités sûres de leur force, plutôt