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d’enseignement. Or, à cette époque même, une loi scolaire nouvelle rompait tous les liens par lesquels l’école tenait à l’Église, créait pour la surveillance de l’école des conseils scolaires communaux dans lesquels le curé ne siégeait plus qu’à titre de dispensateur de l’instruction religieuse ; et l’Église, du même coup, voyait l’enseignement lui échapper et une partie de ses fondations pieuses servir à l’entretien d’initiatives scolaires auxquelles elle devait rester étrangère. Alors Vicari s’insurgea : en 1864, moins de cinq ans après le concordat, la guerre religieuse était rallumée dans le grand-duché. Vicari défendait que les prêtres et que les fidèles entrassent dans les nouveaux conseils scolaires, et que le clergé même gardât aucun rapport avec les autorités de l’école réorganisée ; et l’organe badois du protestantisme orthodoxe applaudissait discrètement à cette insurrection de l’archevêque contre l’esprit de laïcisation. Un commerçant catholique de Heidelberg, Jacob Lindau, se mit à courir le pays ; il groupait les populations, leur signifiait la défense de l’archevêque ; et de village en village se propageait la grève des électeurs, vainement convoqués par l’Etat pour la nomination des conseils scolaires. Dans la ville d’Heidelberg, il ne se trouva que 84 catholiques pour aller voter. Ces élections furent risibles : l’Etat renonça à tout quorum ; partout où trois électeurs se présentèrent aux urnes, on considéra leur vote comme valable et le conseil comme constitué ; et si les conseillers ainsi désignés refusaient de siéger, ils étaient frappés d’amendes. Si la journée de vote s’était passée sans qu’on eût vu venir trois électeurs, l’Etat constituait d’office un conseil scolaire, pour un an, avec quelques fonctionnaires qui n’avaient pas le droit de se dérober. La belle tâche de veiller sur l’école se présentait au regard des citoyens badois comme une sorte de corvée publique, sanctionnée par des menaces pénales, inquiétante pour la conscience : l’école souffrait, le prestige de l’Etat souffrait. Des catholiques se rencontraient, et non des moindres, pour estimer que le prêtre, après les protestations séantes, aurait dû prendre sa place dans ces nouveaux conseils scolaires, s’y entourer de bons catholiques et réduire à néant, ainsi, les intentions hostiles des auteurs de la loi ; c’était l’avis du grand publiciste Alban Stolz. Lorsque le loup prend un enfant, disait-il, lanière boude-t-elle, ou court-elle après le loup ? Il appliquait l’apologue à la mère Église. Mais la mère Église continuait de bouder, parce qu’une