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pour la « liberté » que de refuser à cet « ultramontanisme » les libertés qu’il réclamait. Accuser une religion d’être intolérante et puis la tracasser, c’était encore une façon de venger la tolérance, sinon de la pratiquer. Le « libéralisme » de 1848 avait marqué une réaction contre le joséphisme : très sincèrement, très nettement, ainsi que l’avait fait prévoir dès 1863 une brochure du chanoine Heinrich, le libéralisme badois, avec Jules Jolly, achevait un mouvement de retour vers le joséphisme. « J’adopte, cela va de soi, écrivait-il, le grand principe que l’Église est dans l’Etat et soumise à l’Etat. En regard d’une pratique de tâtonnemens perplexes, qui dure depuis des années, en regard d’une théorie débile, qui, depuis des années aussi, se débat dans une sorte de quadrature du cercle avec la formule d’une juxtaposition de l’Etat et de l’Église, et de leur pleine indépendance réciproque, ce principe si clair, si décisif, fait l’effet d’une libation à une source d’eau fraîche. » « Vis-à-vis de la logique romaine, disait-il encore, il faut une logique laïque non moins rigoureuse. Sous couleur de combattre la bureaucratie, on a miné la subordination à l’Etat. Il faut remettre en honneur la pensée fondamentale du joséphisme et trouver de nouvelles formes. »

Aussi souple dans sa tactique, — nous dirions volontiers aussi opportuniste, — qu’il était absolu dans ses idées, il ne voulait pas de coup de force contre l’Église ; les mots trop vifs, même, lui déplaisaient. Les groupes les plus agités de la seconde Chambre dépassaient l’anticléricalisme de Jolly ; la première Chambre avait peine à le suivre. Il réconciliait ces extrêmes en continuant à marcher de son propre pas. Aux uns, adversaires de toute école confessionnelle, il signifiait pour les faire tenir calmes : « Je ne crois pas qu’une école sans Église puisse se rivaliser sans de très sérieuses secousses. » Aux autres, qui se plaignaient de son projet de loi sur la laïcisation des fondations bienfaisantes, il représentait que ce projet laissait encore quelque place aux prêtres ; que, si on ne le votait pas, la législature suivante l’empirerait ; que l’agitation cléricale serait accrue. Il maniait deux menaces, dont il jouait tour à tour : « Gare à vous si vous agitez trop le pays, » disait-il à la seconde Chambre. Puis se tournant vers la première Chambre : « Gare à vous, reprenait-il, si par suite de vos résistances, le pays vient à s’agiter contre vous ! » En 1868 et 1869, de graves lézardes survinrent