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de 1867 : Jolly avait tracé les voies dans lesquelles Bismarck s’engagera ; l’expérience badoise s’offrait aux regards de la Prusse, pour être étudiée, utilisée, complétée, dès l’instant où la Prusse aurait achevé l’unité allemande.


On avait dans toute l’Allemagne, dès 1869, un vague sentiment de ce péril. Lindau s’en allait au congrès catholique de Dusseldorf, il y racontait les souffrances de là-bas, il préconisait la formation d’un grand parti catholique allemand. À cette date où le Centre prussien, après quinze ans d’éclat, s’était complètement effacé de la scène parlementaire, le congrès apprenait qu’en Bade un jeune parti catholique se développait, assez fort déjà pour avoir en 1868, aux élections du Zollparlament, battu le ministre Lamey. Ce parti, qui n’était encore représenté à la seconde Chambre, en 1867, que par Jacob Lindau, eut en 1869 cinq députés, minorité qui paraissait insignifiante, mais qui incarnait une majorité opprimée. Et ces députés s’alliaient avec les partisans de la Grande Allemagne et les démocrates les plus avancés, pour réclamer le suffrage universel direct. Aux libéraux qui parlaient de « culture » et qui s’appuyaient sur l’université de Heidelberg, ils ripostaient en parlant de « démocratie » et en s’appuyant sur la plèbe rurale. Ils étaient l’humble germe de la force qui vaincra le Culturkampf. Les partis bismarckiens qui engageront cette lutte au nom de la « culture » perdront du terrain, successivement, sous la poussée des partis qui demeureront en contact avec les aspirations du peuple et s’éclaireront à la lumière des intuitions du peuple. Lorsque Lindau et ses quatre collègues, aux prises avec le Culturkampf badois, s’intitulaient audacieusement « parti catholique populaire, » ils indiquaient à l’avance, d’un geste assuré, le champ de bataille propice à l’Église, sur lequel se dénouerait le Culturkampf allemand.


GEORGES GOYAU.