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d’hommages et d’invectives, ils dressèrent une liste de noms dans laquelle ils se réservaient de choisir le futur archevêque, et, selon l’habitude, la soumirent au gouvernement pour qu’il rayât les « personnes moins agréables. » Jolly, sur cette liste, prodigua les coups de plume ; ces indiscrètes radiations annihilaient, en fait, le droit des chanoines. Jolly, qui avait des intelligences dans le chapitre, espérait créer des divisions et finalement installer sur le siège archiépiscopal le cardinal Gustave de Hohenlohe, qui avait apparemment sa confiance comme il aura plus tard celle de Bismarck ; mais Rome aima mieux que, durant quatorze années, l’Église badoise fût veuve de son archevêque. Enfin la formation des clercs elle-même redevenait l’objet des revendications de l’Etat. Les libéraux badois s’étaient construit une certaine théorie du développement intellectuel du peuple, avec laquelle l’ascendant du catholicisme leur paraissait incompatible : il convenait donc, ou que cet ascendant fût détruit, ou que le catholicisme devînt autre qu’il n’était. Jolly dénonçait les menaces que l’Église catholique faisait courir à l’unité de la formation nationale, « l’effort des jésuites pour ramener les temps présens aux conceptions du moyen âge ; » il confrontait avec ces menaces, avec cet effort, « le désir qu’avait la nation de conserver et de développer ses conquêtes intellectuelles. » Le contraste était fort ; comment l’aplanir ? Alors Jolly intervenait avec un projet de loi prescrivant un examen d’Etat pour tous les futurs prêtres. Puisque ces prêtres voulaient régner sur l’école primaire et romaniser les masses (römisch machen), l’Etat régnerait sur la formation scientifique du clergé, et germaniserait les prêtres (deutsch machen). Cette adroite formule, qui tout de suite faisait brèche dans les pensées les plus rebelles, cachait tout un réquisitoire ; elle donnait, aussi, à la politique antiromaine une sorte de portée patriotique. Supposez l’Allemagne victorieuse et grisée de sa victoire même, l’anticatholicisme, en vertu d’une pareille formule, apparaîtra comme la condition d’une dernière victoire, comme un acte nouveau d’affirmation du germanisme : l’Uebermensch exalté par Sedan reprendra, raffinera, perfectionnera les projets de Jolly, et voudra plier les prêtres à être germains, — germains dans le sens où l’entendra son arrogance, — au lieu de demeurer romains.

La loi prussienne sur la formation des clercs, qui déchaînera Le Culturkampt, reproduira, dans ses grandes lignes, la loi badoise