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L’ENVERS D’UN GRAND HOMME[1]


I

Parmi tant de princes, de soldats, de diplomates que la succession d’Espagne mettait aux prises, de 1700 à 1713, le personnage le plus curieux fut peut-être Victor-Amédée II, ce très artificieux duc de Savoie, dont le traité d’Utrecht finit par faire un roi.

Mais chacun connaît, à la Revue des Deux Mondes, — où l’on a vécu dans l’intimité de Mme la Duchesse de Bourgogne, — les manèges politiques et les pratiques militaires de son père. Comme ce que j’en pourrais dire ne serait que redite, il m’a semblé, sinon plus intéressant, du moins plus neuf, de montrer ici en petit déshabillé celui qui a su si longtemps et si joliment berner l’Europe.

L’idée m’en est venue l’autre semaine en trouvant, à l’hôtel des ventes, un détestable portrait de Victor-Amédée. Celui qui l’a peint n’était, à coup sûr, pas un peintre officiel ; il eût maquillé son modèle, tandis que le modèle est là sans fard, surpris en pleine sincérité ; et pas n’est besoin d’être psychologue pour découvrir, sous cette méchante peinture, le « fagot d’épines » que disait Tessé… L’orgueil, la ruse, la volonté, la souplesse, le charme, toutes choses en quoi nul ne surpassait

  1. Storia del regno di Vittorio-Amedeo II (Domenico Carutti). — Lettres du maréchal de Tessé, publiées par le comte de Rambuteau. — Anecdotes sur la cour de Sardaigne, par M. Blondel, ministre de France à Turin, publiées dans les Miscellanéa di Storia italiana, t. V, p. 111. — Histoire de la comtesse de Verrue, par M. de 1er ys. — Notes inédites laissées par le marquis Henry Costa.