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n’avait plus été représentée depuis la direction d’Édouard Thierry : remontée en 1902, elle n’a été jouée que sept fois. On ne donne plus jamais ni Sertorius, ni Don Sanche d’Aragon, ni Héraclius. Le Menteur n’est plus joué en entier depuis dix ans : on se contente de donner les trois premiers actes pour l’anniversaire de Corneille. De Racine également on ne joue guère que trois pièces : Andromaque, Phèdre et les Plaideurs. Encore noterait-on plusieurs années consécutives, pendant lesquelles Phèdre n’a pas été jouée une seule fois. En cinq années (1901-1905), on a joué Bérénice dix fois, Mithridate cinq fois, Britannicus sept, Bajazet trois, Iphigénie deux : soit, pour cinq pièces et en cinq ans, vingt-sept représentations ! Esther n’a pas été jouée depuis 1877, Athalie depuis 1898. Le répertoire de Molière est à peine mieux partagé. Don Juan n’a pas été joué depuis 1870. Bressant fut le dernier Don Juan. George Dandin n’a pas été joué depuis 1894, Psyché depuis 1866 ; Amphitryon, après une interruption de dix-sept années, a été joué six fois en 1905. Quant aux auteurs de second plan, ils sont éliminés de façon à peu près complète. On ne fait guère d’exception que pour Marivaux, et, dans le théâtre de Marivaux, que pour le Jeu de l’amour et du hasard. Il est vrai qu’on vient d’exhumer la Mère Confidente, et que la pièce nous est apparue d’une cruelle indigence ; mais le Legs est oublié ; mais les Fausses Confidences sont délaissées depuis 1892. De Regnard on a donné, en cinq ans, les Folies amoureuses dix fois, les Ménechmes, sept, le Légataire, quatre, le Joueur, deux ! De Sedaine, le Philosophe sans le savoir, repris l’an passé pour les débuts de Mlle Bergé, n’avait plus été joué depuis une trentaine d’années, depuis qu’il fut remonté pour les débuts de Blanche Barretta. On ne donne plus jamais, ni d’authentiques chefs-d’œuvre, tels que le Turcaret de Lesage, ni une Mérope, abandonnée depuis 1869, ni même Zaïre que, dans un théâtre où l’on possède un incomparable Orosmane, on n’a pas jouée depuis 1892 !

Il n’en a pas toujours été ainsi, et il pourrait donc en être autrement. En 1872, pour les débuts de M. Mounet-Sully, Andromaque fut jouée trois fois par semaine, soit vingt-cinq fois, du 4 janvier au 19 septembre ; le Cid, toujours avec M. Mounet-Sully, fut joué seize fois, du 3 octobre au 5 novembre ; Britannicus, avec M. Mounet-Sully et Mme Sarah Bernhardt, fut joué dix-huit fois, du 24 décembre 1872 au 1er février 1873. Un des hommes qui connaissent le mieux l’histoire de la Comédie, M. René Benoist, me rappelle que l’Étourdi, avec Coquelin en 1871 et 1872, faisait le maximum. Mais, dira-t-on,