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argumens étaient, les uns d’un ordre général, les autres d’un ordre plus personnel. Était-il admissible qu’on laissât plus longtemps planer un doute sur la vertu, non seulement de la République, mais de tous ceux qui travaillaient pour elle ? Si des fautes individuelles avaient été commises, devait-on souffrir que la responsabilité en retombât indistinctement sur tous ? M. Combes ne se dissimulait d’ailleurs pas que cette responsabilité l’atteindrait finalement lui-même, car les lois contre les congrégations religieuses sont en grande partie son œuvre propre, et c’est lui qui en a commencé l’application. « Voulez-vous mon opinion tout entière, a-t-il dit un jour à un rédacteur de l’Écho de Paris ? C’est que la seule nomination de la commission d’enquête va tout remettre en ordre et donner à ce qui est obscur la clarté indispensable. J’en serai heureux entre tous, car je reste l’homme des expulsions, détesté par les expulsés, non seulement par suite des lois que mes principes républicains, — et j’entends par là la volonté de libérer la société civile d’ordres religieux incompatibles avec nos idées modernes, — m’ont dictées, mais détesté aussi, peut-être, pour le pillage éhonté, au moins jusqu’à preuve contraire, des biens qui leur appartenaient. Qui sait combien d’entre eux, parvenus à l’âge où l’homme ne peut plus travailler, me maudissent injustement pour n’avoir pas reçu la pension à laquelle il était bien entendu qu’ils avaient droit sur les produits de la liquidation ? Je n’ai, en ce qui me concerne qu’un seul bien à défendre : ma probité, etc. » On voit le ton : il n’est pas exempt de la note sensible. M. Combes ne veut être détesté qu’à bon escient. Et puis, il pense à l’histoire et à ce qu’elle dira de lui. Ce sont de nobles préoccupations, évidemment ; mais nous ne sommes pas sûrs que M. Combes n’en ait pas d’autres, et que l’espoir de mettre le ministère actuel dans l’embarras, en dévoilant ses négligences, n’ait pas influé sur sa détermination. Et puis, il a des comptes à régler avec quelques personnes qui peuvent être, sinon compromises, au moins engagées dans les liquidations congréganistes au-delà de ce que conseillaient peut-être les convenances de leur situation.

Voilà donc M. Combes devenu le défenseur de la vertu à laquelle il est bien possible que quelques personnes aient manqué, et protecteur de l’infortune qu’il a lui-même causée. On conçoit qu’il se complaise dans ce rôle. Tout le monde étant d’accord, la commission d’enquête a été votée, comme elle devait l’être, à l’unanimité. Qu’en sortira-t-il ? Cela dépendra pour beaucoup de la manière dont elle sera composée. Il ne suffit pas d’assurer qu’on ne veut pas en faire une arme contre