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caprices du hasard, mais toujours susceptibles de s’accroître, au fur et à mesure de nouvelles découvertes : chacun sait qu’on retrouvera, suivant le mot célèbre, jusqu’au jugement dernier des lettres de Voltaire ; on retrouvera sans doute pendant longtemps encore des lettres d’un homme qui, comme Taine, n’est mort que depuis quinze ans. C’est ainsi que je ne vois figurer dans ces quatre volumes aucune lettre à Edmond About, aucune à Scherer, aucune à Emile Montégut, aucune à Ferdinand Brunetière : je n’en vois qu’une à Sarcey, fort peu à Albert Sorel : évidemment, il y a là des lacunes involontaires, et qui, selon toute vraisemblance, seront, avec quelques autres, et s’il plaît à Dieu, comblées un peu plus tard[1].

D’autres lacunes sont volontaires et s’expliquent assez naturellement. Tout n’est pas également intéressant pour le grand public dans la correspondance même d’un grand écrivain : il faut laisser aux collectionneurs d’autographes le soin de recueillir les lettres à ses fournisseurs. D’autre part, il est toujours bien délicat d’imprimer tout vif, très peu de temps après la mort du principal intéressé, tout ce qu’il a pu dire ou écrire à ses amis ou à ses proches sur lui-même ou sur les autres. Si célèbre que l’on soit, il y a toute une partie de soi-même qu’on a le droit, et même le devoir, de réserver pour soi tout seul, ou pour les siens, de dérober aux curiosités vulgaires. Personne plus que Taine, — ses livres mêmes nous l’ont fait souvent pressentir, — n’était pénétré de cette obligation véritable. Il avait sur ce point des principes qu’il poussait volontiers jusqu’à l’intransigeance, une intransigeance presque un peu maladive. Il se refusait aux

  1. Une lettre à About nous est signalée dans les Lettres autographes composant la collection de M. Alfred Bovet, décrites par E. Charavay (Paris, Charavay, 1887) : elle est datée du 8 juin 1864. Taine recommande à son ami le peintre animalier Maxime Claude, et le félicite de son livre sur le Progrès : « Cela vaut Madelon dans son genre. C’est d’un brave homme, et d’un homme brave. Au moral et au physique, tu es le mieux portant de nous tous. Lis Renée Mauperin, par les Goncourt, il y a un vrai talent. » — Sans parler de diverses lettres qui nous sont signalées par des catalogues d’autographes, quelques autres, non recueillies dans la Correspondance, ont paru dans plusieurs Revues ou journaux : une à Ferdinand Fabre, dans la Revue Bleue du 23 mai 1903 ; une à Victor Duruy, dans la Revue latine du 25 février 1904 ; une à Baudelaire, dans le Mercure de France du 1er avril 1906 ; une autre enfin, dans Quelques lettres à Alphonse Peyrat (Fasquelle, 1903). — La lettre à Philarète Chasles que la Correspondance, sur la foi sans doute de ma Bibliographie critique de Taine (Paris, Picard, 1902, p. 47), date du 28 octobre 1862, devrait être datée de 1860, le 28 octobre, en 1862, ne tombant pas un dimanche.