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ROMANCIERS ANGLAIS CONTEMPORAINS

GEORGE MEREDITH

Il n’est pas d’écrivain étranger plus exposé que M. George Meredith à être méconnu chez nous et mal jugé, car aucun n’est mieux fait pour nous déconcerter, j’oserai dire nous fatiguer et nous irriter, aussi longtemps du moins que nous n’avons pas pris sur nous de plier devant lui nos habitudes et d’accepter cette originalité. Ses défauts, qui ont d’abord détourné de lui ses compatriotes eux-mêmes, sont l’excès de qualités si profondément autochtones qu’elles nous séduisent moins qu’ils ne nous choquent. Son originalité est excentrique, artificielle et maniérée. Il faut la découvrir sous les complications et les recherches où elle ne se complaît pas moins que ne le fait dans ses apprêts et ses artifices la beauté anglaise, si fraîche pourtant, si luxuriante et si vive. Nous devons cet effort à la notoriété de M. Meredith, à la place d’honneur qu’il a lentement et péniblement conquise dans son pays[1], au respect surtout qu’imposent le labeur ininterrompu d’un demi-siècle et la haute probité d’une vie

  1. La renommée de George Meredith, établie dès les premiers jours ici même et dans un cercle de lettrés et d’artistes, ne commença à s’étendre qu’en 1819, après l’Égoïste. Le célèbre critique W. E. Henley présenta l’œuvre dans quatre Revues et contribua plus que personne non seulement à son succès, mais encore à l’évolution de l’opinion publique à l’égard du romancier. M. Meredith, né en 1828, était alors âgé de 51 ans. Son premier grand roman, The Ordeal of Richard Feverel, avait paru vingt années plus tôt, en 1859.