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défenseurs de la cité contre les épidémies. Les confréries vouées à un et souvent à plusieurs de ces saints protecteurs abondaient.

On s’explique sans peine, maintenant, pourquoi tant d’œuvres d’art ont été consacrées à nos quatre saints. Les particuliers et les confréries offraient à l’envi aux églises statues, vitraux, retables. Je ne parle pas des mille petites images de piété que la gravure multipliait. On les achetait comme des talismans. Une image de saint Sébastien, accompagnée d’une certaine prière, si on la portait toujours avec soi, devenait un sûr préservatif contre la peste.

Le type des quatre saints qui nous occupent se fixa dans le cours du XVe siècle. Saint Sébastien fut représenté nu, attaché au poteau et criblé de flèches. Il fut pour les artistes de la fin du moyen âge le martyr par excellence. Ils n’essayèrent même pas de le concevoir autrement. Nul effort pour lui prêter un caractère, pour exprimer son être moral. Le supplice fut sa raison d’être. Les artistes d’ailleurs ne furent pas libres de le représenter à leur guise. Les patronages qui avaient été assignés à saint Sébastien déterminèrent son type. À ces flèches qui le criblaient le peuple reconnaissait le patron des archers, et sans doute aussi le céleste médecin qui guérit de la peste.

Saint Adrien apparut sous l’aspect d’un jeune chevalier de la plus fière mine. Souvent il s’appuie sur l’enclume de son supplice, et, près de lui, un lion est couché. Ce lion mystérieux est-il le symbole de la force d’âme du héros, ou bien n’est-il qu’un animal héraldique emprunté au blason flamand ? Ne rappelle-t-il pas tout simplement que l’abbaye de Grammont est en Flandre ? Voilà ce qu’on n’a pas encore réussi à découvrir[1].

L’image de saint Antoine se chargea de naïfs détails. On chercherait en vain, au XVe siècle, l’anachorète brûlé par le soleil de la Thébaïde, le maigre athlète qui, la nuit, luttait avec le démon dans les anciens tombeaux. Les artistes du moyen âge se représentèrent saint Antoine comme un vénérable religieux de l’ordre des Antonins. Ils lui donnèrent le froc à pèlerine, le bâton noueux, le chapelet à gros grains. Un de ces porcs, que

  1. C’est le P. Cahier qui a dit le premier (Caract. des Saints, t. II, p. 512) que le lion était emprunté au blason de la Flandre. Je crois que c’est là la vérité. Les abbayes publiaient souvent des gravures représentant leur saint accompagné du blason du monastère, de la ville ou de la province. Un graveur aura annexé le lion du blason au sujet principal.