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de leurs molécules est claire de son énergie disciplinée. Dès l’origine de sa structure un beau cristal a voulu sa figure ; il persiste dans son plan et le réalise. Voyez ce parfait morceau de quartz : il n’y a pas une défaillance dans sa ligne de contour ; des facettes sans nombre qui composent ses plans, pas une qui ne soit lucide comme du diamant taillé. Ses pointes sont aiguës comme des javelines ; leurs arêtes coupent le verre en le touchant. Rien de plus résolu, de plus achevé, de plus déterminé dans sa forme. Tel autre, opaque, rugueux, émoussé, tordu dans son axe, nous est une image d’impuissance, de décrépitude et de déshonneur[1]. » Il a failli à l’éthique du cristal ; entre son mal et son bien, il a choisi son mal ; ses énergies en sont amoindries, et par suite, il est sans beauté. »

La vie seule est capable de ces valeurs. « Les lois qui assemblent et ordonnent la matière sont les mêmes d’un bout à l’autre de l’univers. En toute substance ainsi rassemblée, on peut retrouver une certaine identité de gaz, et même une certaine force vitale, en relation si étroite avec la chaleur mécaniquement mesurable, qu’on peut la concevoir elle-même comme mesurable mécaniquement, fixe, elle aussi dans sa quantité totale, circulant en flux et reflux dans les membres des hommes comme dans les fibres des insectes. Mais dominant tout cela, déterminant toute défaillance comme toute perfection, il y a deux lois : celle qui concerne la beauté de forme, et celle qui concerne la noblesse d’âme, et ces deux lois dans le chaos de la création nous permettent de distinguer entre la vie et la mort, de reconnaître aussi les êtres dont la nature est bienfaisante et sacrée, de ceux dont la nature est maudite et malfaisante. Et le pouvoir d’Athèné qui s’est produit pour façonner ces Ζῶα et ces ἑρπετά se déploie enfin dans ces cœurs d’hommes qui savent discerner les premiers des seconds, et dont on peut dire avec certitude qu’ils sont libres de déroger ou d’obéir aux lois que Dieu leur a commandées, de déchoir ou de se parfaire, d’agir dans le sens de leur force ou de leur faiblesse, de leur noblesse ou de leur honte, de leur laideur ou de leur beauté, de choisir en un mot entre les feux inextinguibles de l’Esprit et les feux inextinguibles de la Mort[2]. »

Andre Chevrillon.
  1. Ethics of the Dust, v.
  2. Aratra Pentelici, III, § 100.