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conservées au fond des couvens par les soins des moines, leur ont rendu une histoire, des traditions, des exemples, un idéal national ; leur littérature captive a repris son vol. Ce mouvement était commencé, pour les Bulgares, avant la guerre de la délivrance qu’il a préparée et rendue possible. Le gouvernement libéral de Midhat Pacha, dans les provinces danubiennes, en avait favorisé le progrès. Tout un travail souterrain de reconstruction s’était opéré par l’église et l’école sous la direction de l’exarque ; les résultats en apparurent au grand soleil de l’indépendance. Quand l’heure sonna, les matériaux et les esprits se trouvèrent prêts pour la reconstruction de l’État bulgare. Les raïas, sous le régime ottoman, vivaient organisés par petits groupemens locaux, sous l’autorité de leurs prêtres ; ils avaient chacun leur autonomie et leurs coutumes particulières. Sur ce fond solide de vies communales un État moderne a pu s’édifier ; l’antique organisation n’a été que très peu et superficiellement modifiée ; le régime municipal est resté la pierre angulaire de l’édifice politique bulgare. Certains groupemens, débris sans doute d’anciennes races dispersées, ont conservé leurs coutumes et leurs traditions particulières : telles sont ces Schopes qui habitent les environs immédiats de Sofia ; les hommes, vêtus de laine blanche, avec le bonnet et la touloupe en peau de mouton, les femmes avec leurs longues tresses, leurs dalmatiques soutachées de blanc, leurs manches et leurs cottes joliment brodées, donnent au marché de la capitale un aspect très pittoresque, très oriental.

Quelles sont exactement les origines du peuple bulgare et en quelle proportion le sang des anciens « bougres » qui furent la terreur de l’Europe au IXe et au Xe siècle, y entre-t-il ? Il est impossible de le dire aujourd’hui, tant sont divers et multiples les élémens dont est sortie la nation bulgare actuelle ; mais il est certain que si les Slaves ont fait adopter, aux envahisseurs de race finnoise ou tartare, leur alphabet, leur langue et leur religion, le type mongolique apparaît cependant très fréquemment. Il suffit de regarder certains Bulgares, aux yeux petits et légèrement bridés, aux pommettes saillantes, pour ne pas les confondre avec des Slaves pur sang. Ce mélange a donné aux Bulgares certains traits de caractère que l’on ne retrouve pas chez les Serbes, les Russes, les Tchèques ou les Polonais, chez qui le sang slave est resté plus intact. Les Bulgares ont l’imagination moins vive