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Bulgarie un péril prochain. La crise universitaire a contribué à faire apparaître ce danger. Quelques jeunes gens et quelques grévistes ayant, à l’inauguration du nouveau théâtre de Sofia, en janvier 1907, assez vivement sifflé le prince, des mesures radicales furent prises par le président du Conseil, M. Petkoff, qui devait, peu de temps après, périr assassiné ; l’Université fut fermée. Rouverte à l’automne 1907, elle reste presque vide d’étudians ; ils manifestent, en faisant grève, leur mécontentement des mesures, à la vérité un peu sévères, prises contre certains professeurs. Sans exagérer la portée de tels incidens, il convient cependant de ne pas négliger l’avertissement qu’ils comportent.

La vie parlementaire fait naître un autre péril : la politique devient une carrière, et les partis, avec l’exagération qui leur est propre, s’accusent les uns les autres de concussion. On ne voit pourtant pas les hommes politiques faire de scandaleuses fortunes, mais, dans ce pays d’agriculteurs où il n’y a pas de classe moyenne, les politiciens tendent à en constituer une. C’est surtout en développant le commerce et l’industrie, c’est-à-dire en facilitant la naissance et l’enrichissement d’une bourgeoisie urbaine, beaucoup plus que par des moyens répressifs toujours inefficaces, que le gouvernement pourra enrayer ce mal dont sont plus ou moins atteintes toutes les sociétés démocratiques.

A l’extérieur, des difficultés plus graves encore attendent le gouvernement du prince Ferdinand ; et ici, il ne s’agit plus seulement de la Bulgarie, mais de l’Europe : nostra res agitur. Qu’un conflit vienne à éclater dans les Balkans, et c’est peut-être la guerre générale déchaînée, en tout cas l’invasion presque certaine du choléra en Occident. L’état de la Macédoine, loin de s’améliorer, semble empirer ; manifestement, les « réformes » de l’Europe sont insuffisantes ; la Porte les applique sans bonne volonté ; les bandes font rage au nez et à la barbe de ses soldats ; le gouvernement d’Athènes ne se lasse pas d’encourager les bandes grecques, et celui de Sofia commence à se lasser de la patience dont il a essayé loyalement de faire preuve. A Constantinople, les ambassadeurs, unanimes seulement en apparence, multiplient en vain, auprès du Sultan, les démarches pour obtenir le renouvellement des pouvoirs des agens des réformes et pour obtenir la création d’inspecteurs judiciaires : les Turcs sont fondés à croire qu’ils n’épuiseront jamais la longanimité de