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Il convient de parler d’abord ici du renouveau extraordinaire de l’influence de Balzac. Tout comme le colossal auteur de la Comédie humaine, les plus puissamment musclés d’entre nos écrivains d’imagination ont voulu se mettre eux-mêmes tout entiers dans une œuvre de trame continue ; rassembler de nombreux personnages et poursuivre leurs destinées à travers des compositions successives, les montrer en action, et observer leurs mobiles ou le jeu de leur énergie au milieu des aventures les plus diverses. Ainsi se sont-ils efforcés de construire des monumens dont l’imposante architecture rappellerait l’échafaudage immortel de l’œuvre balzacienne. Au même moment, l’engouement inattendu pour les mémoires, pour les souvenirs, pour les memoranda qui ont envahi les marges de l’histoire, a paru leur indiquer la voie. On a vu surgir, à côté des reconstitutions curieusement documentaires analogues au Saint-Cendre ou au Blancador l’Avantageux de M. Maurice Maindron, le roman « d’histoire et de psychologie collective. » Le goût pour les évocations du passé a exigé non plus de secs et graves récits, mais des tableaux vivans, des narrations animées, des anecdotes, des souvenirs intimes. La recherche minutieuse du détail rétrospectif a remplacé l’impressionnisme aux notations ultra-modernistes. Des études purement historiques, où la psychologie s’est introduite pour les transformer, la préoccupation des ensembles, la hantise des sentimens collectifs et celle des phénomènes de l’esprit de corps ont passé dans le roman. « Une foule, un groupe quelconque a une âme qui n’est pas la somme de toutes celles qui la composent, mais qui en est plutôt la résultante. » C’est ainsi que l’on peut rattacher l’avènement de ce genre au retour des curiosités vers l’histoire pittoresque et aux progrès de la psychologie collective.

L’histoire politique a incontestablement dominé la pensée sociale et philosophique de M. Paul Adam et de MM. Paul et Victor Margueritte. Les romans de l’auteur du Thé chez Miranda et principalement la Force, la Ruse, l’Enfant d’Austerlitz, etc., présentent, à côté de leurs défauts, de très grandes qualités. M. Paul Adam intéresse toujours, soit qu’il ait pour principal objet de peindre la vie tumultueuse, grisante, la frénésie des appétits jouisseurs, comme dans la Force, soit qu’il choisisse pour sujet la Restauration, époque grise, contradictoire et confuse, et qu’il s’attache à en raconter les complots, les menées