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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 44.djvu/177

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conspiratrices et tout le douloureux travail clandestin qui la mina. Doué d’un pouvoir d’imagination qui n’a pas été accordé à beaucoup de ses imitateurs, capable, dans ses reconstitutions, de préciser les larges teintes des ensembles par une notation exacte du détail le plus mince, et, en apparence, le plus fugitif, M. Paul Adam « voit » les choses sous un angle inédit, et il sait donner à ses décors un relief saisissant, presque toujours vrai. Mais il lui arrive de céder à sa facilité même et au furieux débordement d’idées et de métaphores qui envahissent son cerveau. L’imagination maîtresse agrandit, magnifie tout dans sa vision.

MM. Paul et Victor Margueritte ont tenté avec succès une entreprise analogue. L’œuvre qu’ils ont édifiée et qui, sous le titre d’Une Époque, comprend le Désastre, les Tronçons du Glaive, les Braves Gens, la Commune, demeurera le monument comme moratif, grave et triste, d’une épopée entre toutes inoubliable.

Histoire vécue plutôt que roman, c’est comme le journal de la guerre de 1870, tenu minutieusement à jour, racontant par le détail tous les événemens, expliquant le retentissement et le contre-coup qu’ils eurent, sur l’heure même, dans l’intelligence, dans l’âme et dans le cœur de ceux qui en ont été les acteurs et les victimes, et unissant à une dramatique précision une chaleur et une émotion communicatives. De superbes qualités morales, de vigoureuses qualités d’art caractérisent cette odyssée grandiose et frémissante. Nous aurons vite fait de dire lesquelles. Et, d’abord, qui ne louerait le sentiment si élevé qui a dicté aux fils du général Margueritte leurs premières pages, comme il n’a cessé d’animer tous leurs élans ? ils ont compris qu’à une telle noblesse de sujet devait correspondre une compréhension non moins haute de l’œuvre à élever. Quel sujet plus poignant, en effet, plus apte à faire vibrer des âmes patriotes, et surtout des âmes de soldats, que cette guerre désastreuse, héroïque et farouche ? C’était bien ici l’occasion de réunir toutes les âmes individuelles de ce peuple, pour en faire jaillir l’âme collective ! Aussi la notion du roman collectif n’a-t-elle rencontré, aucune réalisation plus grandiose et plus adéquate que cette tétralogie d’Une Époque. Et c’est, évidemment, leur patriotisme, qui a permis à MM. Margueritte de peindre sous des couleurs aussi vives ; et qui semblent palpiter, un tel passé de tristesse. C’est aussi l’amour de la France qui leur a donné