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produit, on se demande assez naturellement si l’Autriche, son alliée, n’y est pas pour quelque chose. Les puissances s’étaient mises d’accord, — on le croyait du moins, — pour demander à la Porte de donner aux contrôleurs européens en Macédoine un droit de surveillance sur le paiement régulier des magistrats, et, par là, sur le fonctionnement de l’organisation judiciaire elle-même. Une note avait été signée par les six ambassadeurs. Il ne restait plus qu’à la remettre, lorsque l’Allemagne a renoncé à la soutenir et a émis des doutes tardifs sur son efficacité. Nous ignorons quelle suite a été donnée à cette affaire ; aucune, peut-être, jusqu’ici ; mais cette hésitation de l’Europe, au moment d’accomplir une démarche attendue, a été pour la Porte un succès politique qui ne peut que l’encourager dans ses résistances, ou dans ses tergiversations.

Revenons à la question des chemins de fer. Nous mettons le mot au pluriel parce que, dès que l’Autriche a été autorisée par un iradé impérial à mettre à l’étude la ligne de Novi-Bazar, les esprits sont entrés en campagne pour chercher des compensations qui rétabliraient l’équilibre rompu au détriment de la Russie ; et on a parlé tout de suite d’une ligne ferrée dont les études sont déjà faites en partie, qui relierait le Danube à l’Adriatique. C’est ce qu’on appelle la ligne transversale : on en a étudié plusieurs projets. Elle partirait de la Roumanie à l’Est, et aboutirait, à l’Ouest, à un point à déterminer sur l’Adriatique. Quel serait ce point : Antivari ou Saint-Jean de Medua ? Le pays balkanique le plus intéressé à la construction de ce chemin de fer est la Serbie : elle pourrait se soustraire par là à la dépendance économique où l’Autriche le tient aujourd’hui ; elle trouverait sur la mer un écoulement à ses produits. De l’autre côté de l’Adriatique, il est à peine besoin de dire que l’Italie applaudirait à la construction de la ligne transversale, et qu’elle regarderait cette solution comme la meilleure de toutes. Quant à la Russie, elle y aurait probablement un intérêt moindre ; mais elle y trouverait, au moins pour le moment, une satisfaction politique et morale qui ne serait pas pour elle sans valeur. Il est à croire que toutes ces lignes se feront dans un temps donné ; chaque pays intéressé voudra avoir la sienne et finira par l’avoir : il se passera dans les Balkans le même phénomène qui, ailleurs, multiplie quelquefois à l’excès les voies de communication. Mais nous sommes moins sûr que ces créations et constructions de Lignes nouvelles se fassent aussi vite que les imaginations surexcitées se plaisent à l’espérer. La Porte est naturellement lente dans ses concessions : elle opposera les demandes des uns à