Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 44.djvu/241

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

celles des autres, et qui sait ? peut-être aboutira-t-elle à les ajourner toutes. Il est à présumer que c’est ce qui lui conviendrait le mieux. Elle aurait atteint un double but, si, après avoir opposé la Russie à l’Autriche en faisant espérer à celle-ci la concession de la ligne de Novi-Bazar, les prétentions nombreuses qui se dressent et s’enchevêtrent autour d’elle lui servaient de prétexte à un ajournement général. Quant à nous, nous sommes relativement désintéressés dans toute cette affaire ; le seul intérêt que nous y ayons est celui de la civilisation, celui qui profite à tout le monde. Toute considération politique mise à part, il ne nous déplaît nullement que l’Autriche relie par Mitrovitza les lignes de Bosnie et d’Herzégovine à Salonique, et il ne nous plairait pas moins que la ligne transversale, du Danube à l’Adriatique, apportât de nouveaux élémens d’activité économique aux petits royaumes et principautés des Balkans. La question était de savoir comment l’Autriche envisagerait la chose. Il est probable que, dans d’autres circonstances, elle l’aurait regardée d’un œil peu bienveillant ; mais elle a senti qu’en ce moment elle avait à effacer, ou du moins à atténuer les impressions très vives qu’elle avait provoquées ; aussi a-t-elle annoncé qu’elle ne ferait aucune objection à la ligue transversale. S’il en est ainsi, tout sera pour le mieux. Nous n’irons pas jusqu’à dire que tout le monde sera content, mais chacun aura obtenu quelque chose : — et si, la Porte ajournant tout, personne n’obtient rien, chacun se résignera plus facilement à sa mésaventure en songeant à celle du voisin.


La Chambre des députés continue de discuter l’impôt sur le revenu. La discussion générale a commencé d’abord d’une manière très lente, très nonchalante, très indifférente. Le premier jour, il n’y avait presque personne dans la salle, et les orateurs parlaient devant des banquettes vides. Ce médiocre empressement de la Chambre correspond sans doute à ses sentimens véritables ; au fond, la majorité se soucie fort peu de l’impôt sur le revenu, ou plutôt elle le redoute ; mais elle le votera tout de même parce qu’elle l’a promis, ou parce qu’on lui a fait croire qu’elle l’a promis à ses électeurs. Cette seconde formule est la plus vraie. Si on se reporte aux professions de foi électorales, il s’en faut de beaucoup que la majorité de la Chambre ait promis de voter l’impôt global et progressif de M. Caillaux ; mais elle s’est engagée à faire des réformes en vue d’une distribution plus équitable des charges fiscales, et de ces mots vagues, par des équivoques faciles, on a fait naître pour elle des