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engagemens qu’on lui demande impérieusement de respecter. La plupart des députés n’oseraient pas aujourd’hui se représenter devant les électeurs sans s’être mis à même de dire qu’ils ont tenu leurs promesses, et comme ils n’ont pas sous la main d’autre projet que celui de M. Caillaux, ils le voteront. Mais ils savent bien que c’est une formalité qu’ils remplissent, et que le projet ne passera pas au Sénat dans les mêmes conditions qu’à la Chambre : il y sera profondément modifié. De là le très faible intérêt qu’ils ont manifesté tout d’abord pour une discussion qui n’est pas encore la vraie, et qui, bien qu’elle ait été précédée par tant d’autres, n’est pourtant qu’un exercice préalable. Peu à peu, toutefois, la discussion s’est élevée et animée ; quelques-uns des orateurs les plus compétens et les plus éloquens y ont pris part ; les questions posées ont été envisagées sous toutes leurs faces, et la Chambre n’a pas été insensible à l’intérêt qu’elles présentent. Ce débat, commencé dans le vide, a fini par exciter une attention générale, et lorsque M. Jules Roche, M. Ribot, M. Aynard sont montés à la tribune, on a eu quelques belles et grandes séances dignes du sujet qui y était traité. D’autres orateurs déjà, M. Aimond par exemple, avaient présenté des observations excellentes, qui méritent d’être retenues. Quant à la Commission et au gouvernement, ils n’ont pas paru au niveau de leur tâche. Le rapporteur. M. Renoult, s’est contenté de rééditer son rapport, qui d’ailleurs est une œuvre laborieuse, mais qui n’est pas autre chose. Le président, M. Camille Pelletan, a parlé pendant deux séances consécutives et a paru beaucoup plus décousu que d’habitude. Quant au ministre. M. Caillaux, c’est un orateur plein de ressources, et ses amis attendaient de lui un discours qui confondrait toutes les objections. Dans leur confiance, ils avaient eu le tort d’annoncer qu’ils en demanderaient l’affichage. Après l’avoir entendu, ils y ont renoncé : nous n’en dirons pas autre chose.

Il est d’ailleurs bien difficile de renouveler beaucoup un sujet sur lequel on a déjà tant parlé, et personne ne l’a fait, pas même M. Jules Roche, M. Ribot, ou M. Aynard. Mais ils ont admirablement réuni les objections principales contre l’impôt sur le revenu en général et contre le projet de M. Caillaux en particulier, et ils les ont exposées une fois de plus dans l’ordre le plus propre à leur donner toute leur clarté et toute leur force. Leurs discours sont des œuvres magistrales : ils ont sans doute entraîné la conviction de la Chambre, mais cela ne veut pas dire qu’ils détermineront son vote. Aussi bien sont-ils faits surtout pour le pays qui a des tendances diverses au