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était trahie, vendue par une personne en qui elle avait entière confiance.

— Par vous, peut-être, mon cher Deutz,… je plaisante… ne vous défendez pas… mais en me rappelant vos efforts pour m’engager à partir avant-hier, malgré les bonnes nouvelles dont vous êtes porteur, j’ai pensé que vous aussi pouviez avoir des motifs pour partager ces craintes… Savez-vous quelque chose ?

Deutz avait tressailli jusqu’au fond de son lâche cœur. Il balbutia quelques paroles, abrégea la conférence, se précipita dans la rue, dit à l’agent de police : « Je la quitte, elle est dans la maison, vous la trouverez à table ; » raconta brièvement au préfet la conférence dont il sortait, désigna le lieu où l’on trouverait les papiers ; courut à son auberge, se jeta dans une voiture tout attelée et revint à Paris, sans attendre pour savoir le résultat de sa trahison.

Il fallut se mettre à sa recherche pour lui en donner le salaire pécuniaire. Il ne l’avait ni stipulé, ni réclamé, mais il l’accepta. Tout cela paraît étrange et n’en est pas moins exact.

Le vrai peut quelquefois n’être pas vraisemblable.

La confiance en Deutz n’était pas assez bien établie pour que le préfet eût négligé les précautions. L’ordre avait été donné de le suivre, et de cerner d’un peu loin la maison où il entrerait, de façon que nul ne s’en pût évader. Tout était donc prêt. A peine trois minutes s’écoulèrent entre sa sortie et l’entrée de la force armée.

L’aspect de l’appartement, lorsqu’on y pénétra, confirma la véracité du rapport de Deutz ; on y trouva les traces du séjour actuel de Mme la duchesse de Berry. Le couvert était mis pour cinq personnes, mais Mlle du Guigny, la maîtresse de la maison, se présentait seule et niait avoir des hôtes ; la table, selon elle, était préparée pour des convives que l’aspect des troupes aurait probablement empêchés d’arriver. Il était impossible d’obtenir le moindre aveu.

La lettre, qui avertissait la princesse de son danger, était ouverte sur la cheminée, au feu de laquelle on avait fait paraître l’encre sympathique. Elle avait été prévenue à temps, mais on n’échappe pas à son sort !

Vainement chercha-t-on à intimider et à séduire les habitans de la maison ; maîtres et valets, tout résista. Une recherche