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— Je me fie à vous.

La route était bordée d’une haie de soldats. Elle la franchit d’un pied et d’un cœur fermes, causant avec son escorte militaire, d’une grande liberté d’esprit, mais refusant toute réponse au préfet qui était survenu au moment de son départ.

Parvenue au château, elle donna des ordres sur les soins à rendre à ses compagnons d’infortune, et principalement à M. de Mesnard qui paraissait fort mal, avec une sorte d’autorité ; puis elle demanda à se reposer. Conduite dans sa chambre, avec Mlle de Kersabiec, elle en ressortit un instant après, sous le prétexte de recommander que le médecin, appelé auprès du comte de Mesnard, vînt lui faire son rapport.

L’homme de la police, accoutumé à observer tous les gestes, s’aperçut qu’une très petite boule de papier avait passé de la main de la princesse dans celle de l’avocat Guibourg. Le désir de s’en emparer suggéra la pensée de fouiller les prisonniers aussitôt que Marie-Caroline se fut éloignée.

Le papier, trouvé sur M. Guibourg, contenait ces mots écrits au crayon : « Insistez, surtout, pour n’être pas séparé de moi. »

Cette circonstance, sue dans le temps et infidèlement racontée, accrédita le bruit, déjà répandu, d’une intrigue amoureuse entre la princesse et l’avocat. Je n’oserais garantir qu’il n’en fût rien.

Mais M. Guibourg était en fuite, avec une condamnation capitale sur le corps. Mme la duchesse de Berry se croyait une sauvegarde pour ses en tours, et cette pensée suffisait à expliquer les termes du billet.

Elle avait mangé une soupe, bu un verre de vin de Bordeaux, avait dormi paisiblement quelques heures et s’était relevée, pour le moment du dîner, dans un état de calme] qui ne se démentait pas. M. Maurice Duval, lui-même, quoique fort blessé de ses procédés envers lui, parlait du maintien de la princesse avec admiration. Les généraux en étaient émus, et le ministre dans l’enthousiasme.

En outre des rapports des autorités de Nantes, M. Thiers était armé, en venant chez moi, de la décision du Conseil qui, en enlevant Mme la duchesse de Berry à la juridiction des tribunaux, faisait de sa position une mesure politique sur laquelle les Chambres auraient à statuer. La pièce était bien rédigée. Il voulait la montrer à M. Pasquier et le consulter sur la forme de sa publication.