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Après une longue discussion, on s’arrêta à un article officiel du Moniteur, ne portant le titre ni d’ordonnance ni de déclaration ; qui, s’appuyant sur les précédens de la marche suivie pour le bannissement de la branche aînée des Bourbons et de la famille Bonaparte, établirait en principe que les princes et princesses de races proscrites, se trouvant en dehors de la loi commune, ne pouvaient en réclamer le bénéfice ni en subir les rigueurs. Leur sort, dès lors, devait être réglé arbitrairement, d’après les exigences des intérêts politiques.

M. Pasquier insistait derechef pour qu’on embarquât la princesse au plus vite. « Vous ne serez maître de son sort, répétait-il, et à l’abri des obstacles que peut susciter le zèle aveugle ou malveillant des magistrats secondaires, qu’après le départ de Nantes. » M. Thiers adoptait cette pensée et partageait les mêmes sollicitudes. Aussi avait-il donné, et déjà renouvelé, l’ordre d’un embarquement immédiat, que les préparatifs matériels, pour la sûreté du transport et la commodité du voyage, arrêtaient encore bien malgré lui.

La princesse demandait un délai, fondé sur l’état de santé du comte de Mesnard ; mais M. Thiers, fort à regret dans sa disposition actuelle, avait positivement refusé.

Comme il ne fallait pas compliquer la question relative à Mme la duchesse de Berry, en assimilant à son sort d’autres personnes compromises vis-à-vis des tribunaux, on se décida à les rendre à leurs juges naturels. M. Guibourg fut renvoyé là où son procès avait été déjà instruit. Mlle de Kersabiec accompagna la princesse à Blaye ; puis fut reconduite immédiatement à Nantes.

Dès le premier jour de l’arrestation, M. Maurice Duval avait prévenu M. Thiers qu’il pouvait s’emparer de MM. de Bourmont, de Charette, et de plusieurs de leurs coopérateurs les plus actifs. On les savait cachés dans les maisons voisines de celle occupée par Marie-Caroline. Deutz avait vu le maréchal. En persistant à cerner le quartier, on était assuré de les prendre.

Mais le ministre en avait autant qu’il lui en fallait, pour se présenter à l’ouverture de la session, et ne se souciait pas de multiplier ses embarras. Plus il se trouverait de gens arrêtés dans les mêmes prédicamens que Mme la duchesse de Berry, plus il serait difficile de la soustraire à la loi commune ; car elle se