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historique pressentait les courans qui se dessinaient dans l’Église en faveur de l’infaillibilité papale, dont l’acte dogmatique de 1834 était une première application ; elle s’équipait, dès lors, pour les escarmouches érudites qu’aux approches de 1870 elle devait engager contre l’ « ultramontanisme ; » mais le conflit entre Rome et cette école n’était encore que latent.


III

La question du Güntherianisme, au contraire, était d’une acuité plus immédiate ; et c’est sur le terrain philosophique que des luttes allaient éclater. Günther, que certains pressaient d’aller s’expliquer à Rome, s’y refusait en alléguant son grand âge ; il était d’ailleurs plein de mépris pour les courans qui lui semblaient prédominer au Vatican : « C’est une vraie honte pour les Jésuites modernes, » disait-il. Le pèlerin du Güntherianisme à Rome fut le professeur Baltzer, de Breslau. Naïvement, triomphalement, un journal de Munich annonçait que, grâce à ce docte voyageur, qui fut bientôt rejoint par le professeur Knoodt, « les découvertes faites par Fichte, Schelling, Hegel, dans le monde de la pensée, allaient être révélées à Rome. » Baltzer passa là-bas douze mois, et, vers l’automne de 1854, il reprit la route de Silésie, très content de l’accueil que lui avaient ménagé Pie IX et le cardinal d’Andréa, préfet de l’Index.

La cause néanmoins demeurait pendante : entre Knoodt et Clemens, les polémiques continuaient ; les évêques d’Allemagne écrivaient à Rome pour ou contre Günther ; l’excitation des esprits allait croissant. Finalement, au début de 1857, les écrits du vieux philosophe furent mis à l’index : le grand effort de pensée qui visait à faire rentrer dans le patrimoine de la raison les vérités révélées était répudié comme erroné.

Günther, dès février, déclara qu’il se soumettait ; mais son école relevait le drapeau. On parlait de « manœuvres jésuitiques, » dont Geissel et le cardinal de curie Reisach auraient été les complices. Foerster, prince-évêque de Breslau, transmettait à Rome, avec quelque complaisance, une lettre équivoque de Baltzer, qui, tout en se soumettant, constatait qu’aucune thèse précise n’avait été condamnée, et qui demandait insidieusement un surcroît d’informations. Pie IX répondit le 30 mars à Foerster que Günther avait erré sur la Trinité, sur l’Incarnation,