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commencer le Culturkampf, Bismarck n’aura qu’à répondre oui aux questions ici posées par Doellinger.

Le même Doellinger qui avait, entre 1840 et 1850, éloquemment soutenu la cause de la liberté, se montrait tout prêt à faire appel à l’Etat contre l’influence d’une Église dont l’orientation lui déplaisait : il éveillait les défiances des pouvoirs publics ; ses insinuations devenaient celles d’un jacobin. D’ailleurs ses écrits historiques de l’époque, son historique du concile de Trente, ses articles sur l’Inquisition, étaient dirigés contre Rome.

Voilà où aboutissait le débat entre partisans des séminaires et partisans des universités : l’affectation que mettaient les uns à se donner comme les seuls défenseurs de l’Eglise, les autres à parader en défenseurs de l’Etat, passionnait et faussait toutes les discussions. Les femmes elles-mêmes entraient dans la bagarre : la comtesse de Hahn-Hahn et une quarantaine de dames cathodiques, dans un appel très répandu, accusaient formellement les facultés de théologie de mettre en doute le christianisme. Mais Hergenroether, dont Léon XIII devait faire un cardinal, allait bientôt, dans un article de revue, ramener la question sur son vrai terrain : professeur de faculté, et notoirement attaché à toutes les aspirations romaines, il pouvait être cru lorsqu’il disait quels avantages trouvaient les clercs dans le séjour des universités et lorsqu’il affirmait que l’Église ne pourrait faire à ses ennemis mortels un plus grand plaisir que la suppression des facultés de théologie. Il fut peut-être taxé, sur l’heure, d’optimisme ou d’illusion ; mais lorsque les prêtres allemands, peu d’années après, cueillirent souffrance et gloire dans le Culturkampf, il fut visible pour Rome que plus de la moitié de ces prêtres qui luttaient contre les empiétemens de l’État étaient sortis des facultés de théologie, et que Doellinger avait accumulé bien à la légère les antithèses factices en soutenant ces facultés, à titre de foyers d’étatisme, contre les séminaires, foyers d’ultramontanisme.


X

Les suspicions de certains milieux catholiques contre les facultés de théologie devaient s’étendre, naturellement, à l’ensemble des universités. On avait l’exemple, çà et là, que si un théologien résistait à Rome, ses collègues de philosophie, de droit ou de médecine, le gratifiaient de promotions honorifiques