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C’est un lac ouvert. Des montagnes ou, si l’on veut, de hautes collines l’entourer ! Je trois côtés et le dominent sans l’écraser. Elles semblent s’incliner à son approche et meurent avant de l’atteindre. Leur courbe gracieuse s’allonge dans la direction du Sud où l’on découvre une suite de cônes qui s’étagent à l’horizon. Vers le couchant, le lac confine à la Val di Chiana, plaine immense, jadis marécageuse, fertile en fièvres, habitée par une population chétive et fataliste que Dante a chantée, région assainie maintenant, riche, prospère, heureuse.

Dans son poème De bello panico secundo, Silius Italicus nous dit d’où le lac tire son nom :

« Trasimène avait pour père Tyrrhène. Ce Lydien, l’honneur du Tmolus, élevait son fils pour de plus grandes choses. Mais la nymphe Agylle s’enflammant d’amour pour le jeune homme dont la beauté ne le cédait pas à celle des dieux, oublia toute retenue et, saisissant Trasimène, elle l’entraîna dans les ondes. Celui-ci se déroba tout d’abord aux embrassemens de la nymphe éperdue, mais, dans ces antres tapissés de verdure, les naïades calmèrent sa frayeur. Le lac fut la dot d’Agylle, et c’est depuis ce voluptueux hymenée que l’onde a porté le nom de Trasimène. »

Les géographes, gens irrespectueux, soutiennent que « Trasimène » signifie tout simplement « le pays au-delà du Meno. »

A écouter Silius, n’imaginerait-on pas de mystérieuses profondeurs resplendissantes de clartés diffuses, des grottes moussues où les plantes aquatiques étalent des feuilles larges comme des coupes et, dans ce décor, les amans glissant enlacés ou se poursuivant à l’instar des filles du Rhin de l’épopée wagnérienne ? Le chantre du lac, Matteo dell’Isola, vante non moins élégamment et toujours en vers latins la transparence de ses eaux :


nom fulget ab imum
usque solum semper.


Fazio degli Uberti et Viperani font chorus. A leurs yeux, la limpidité du Trasimène égale celle d’une source. Les poètes ont pour voir et pour peindre les spectacles de la nature des lumières qui font défaut aux autres mortels. Chateaubriand décrit les merveilles du lac Supérieur :

« Le lac lui-même est creusé dans le roc. A travers son onde