Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 44.djvu/373

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Bien différent est le tableau qu’offre aujourd’hui le Trasimène ; son lac est une plaque d’argent ; sa plaine n’est plus déchirée que par la charrue pacifique ; ses arbres séculaires s’élèvent épais comme autrefois les cadavres entassés là où sont maintenant leurs racines. »)

Le paysage ne présente, en effet, que des images paisibles. Les collines qui forment autour du lac une ceinture brisée, couvertes de bois, d’herbages ou de cultures, s’élèvent et s’abaissent tour à tour en molles ondulations dont on retrouve le profil pittoresque et la couleur dans les tableaux du Pérugin et de Francia. De tous côtés, apparaissent des bourgades, des métairies, des maisons de plaisance auxquelles on accède par des chemins creux ou des avenues plantées d’arbres ; ici des champs de blé et de maïs prospèrent à l’ombre de la vigne mariée à l’ormeau ; là de mélancoliques bois d’oliviers ; plus loin, des mûriers gigantesques et des chênes touffus. De tous côtés, des ruines surgissent au milieu de la campagne, châteaux forts démantelés ou transformés en fermes rappelant que si le pays a été longtemps ensanglanté par les guerres privées, il a retrouvé les douceurs de la pax romana ; et à chaque pas, dans une église ou un couvent, quelque objet digne d’arrêter une heure ou cinq minutes le curieux, un tableau ombrien, un reliquaire du moyen âge, une maïolique de l’Ecole des Robbia.

Aucune cité importante n’est née sur les bords du lac, mais nombre de petites villes se mirent dans ses eaux ou se cachent à demi dans les plis des montagnes voisines. Castiglione del Lago, Borghetto, Pessignano, Monte del Lago se regardent à travers l’espace sans communiquer, entre elles. Tuoro, sur le versant septentrional, semble un observatoire construit pour surveiller le lac. Une montagne dérobe, il est vrai, Pérouse à la vue, mais on aperçoit, sur une cime élevée, Cortone la toscane, dans la direction du Nord.

Le point le plus pittoresque du lac est indubitablement Castiglione del Lago. Vue du largo, à travers la brume vaporeuse des beaux jours, la petite ville, assise sur un promontoire élevé, ressemble, grâce à la saillie de sa forteresse et de son château, à un cuirassé armé de tourelles et démâté ou, si l’on préfère, à un monstrueux torpilleur. Le cap rocheux est relié à la terre ferme par un isthme étroit. Position facile à défendre, Castiglione devint au moyen âge un objet de convoitises sans fin, et il