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plusieurs mois vers les conférences quasi quotidiennes que prodiguait le chef éloquent de la nouvelle « ligue nationaliste. »

Une plus grande honnêteté financière et plus de franchise morale dans la politique, une distribution plus rationnelle et plus équitable, par le gouvernement, du domaine national, terres, forêts et mines, le retour progressif à l’État des grandes entreprises privées, comme les chemins de fer, pour mettre fin aux abus des monopoles particuliers, tels sont, en dehors des questions de personnes et des attaques contre les ministres, quelques-uns des principaux points du nouveau programme. Si nous avions à le discuter, encore qu’il soit toujours fort délicat de juger la politique intérieure d’un pays étranger, nous ne manquerions pas de remarquer à quel point ce courant d’étatisme est, à l’heure présente, général surtout le continent américain, qui, durant si longtemps, n’a rien demandé à l’État, sinon de rendre la justice, d’assurer la police (et encore…) et de laisser le citoyen Iran-quille. M. le vicomte d’Avenel en a fait naguère, ici même, une remarquable démonstration pour les États-Unis[1]. Nous nous trouvons plus à l’aise pour aborder le point qui paraît bien être le premier du programme nationaliste : enrayer l’immigration anglaise au profit de l’immigration française. Ce point, touchant à la politique extérieure, nous intéresse directement, et nous donne dès lors voix au chapitre.

Deux coups de théâtre sont venus passionner d’abord, puis clore en apparence cet ardent débat. Le ministre de la province de Québec le plus visé par MM. Asselin et Bourassa, celui de la Colonisation, M. Jean Prévost, a donné subitement, dans les premiers jours d’octobre, sa démission de ministre. — Ensuite, M. Turgeon, le ministre de l’Agriculture de la même province, a donné sa démission de député provincial afin de se faire à nouveau blanchir par ses électeurs. Aussitôt M. Bourassa, résignant lui-même son mandat de député fédéral, courut se présenter crânement dans la circonscription même de M. Turgeon. Il fut battu en novembre, grâce à toutes les forces coalisées du parti libéral, qui poussa des clameurs de triomphe à Ottawa et à Québec, criant, un peu tôt peut-être, à « la mort politique » de M. Bourassa. Il fera sagement de ne point s’endormir : la conscience publique s’est montrée trop vivement émue par le

  1. 1er octobre 1907. — Sir Wilfrid est personnellement hostile à la nationalisation des services d’entreprises privées (voyez les Débats du 6 janvier 1908).