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mouvement « nationaliste » pour qu’on puisse douter qu’il ne réponde à quelques-unes de ses plus intimes aspirations.


En somme, la question qui préoccupe si fort aujourd’hui nos cousins d’outre-mer, offre une double face, l’une canadienne et l’autre française. Du point de vue canadien, elle est de première importance : orateurs et écrivains « nationalistes » affirment tous les jours que le Canada, s’il persévère dans les mêmes erremens de colonisation, ne court à rien moins qu’à un « suicide national. » Envisagée de ce côté de l’Atlantique, elle est pour nous, à vrai dire, secondaire, mais d’un intérêt vif encore et plus que jamais éveillé à l’heure présente où, en France, l’on s’occupe si curieusement du Canada, sans d’ailleurs ordinairement le connaître avec précision.

Est-il vrai que le gouvernement actuel du Canada ne favorise point l’immigration française et qu’il pourrait agir autrement ? et, s’il en est ainsi, quelles en sont les raisons ?

Emigrer davantage dans la « Nouvelle-France » est-il bon pour nous ?

Tels sont les deux ordres de questions auxquelles nous allons nous appliquer à répondre le plus impartialement qu’il nous sera possible, en nous appuyant sur les documens officiels d’Ottawa eux-mêmes, éclairés par un récent séjour de deux années au Canada.

L’originalité propre et unique au monde du Canada réside, comme l’on sait, dans la constitution de ce pays par l’accord, sans fusion, de deux des races les plus remarquablement douées, bien que de qualités diverses, la race française et la race anglaise. Sa raison même d’exister est évidemment dans une « entente cordiale, » qui se pratiquait là-bas bien avant qu’elle ne fût décrétée chez nous.

Or, d’après le dernier recensement officiel, celui de 1901, le Dominion comptait 5 371 315 habitans, parmi lesquels 1 649 371 Canadiens-Français, soit le tiers de l’ensemble, exactement 30,7 pour 100. L’élément de race française ne possède donc point la prépondérance, d’autant mieux que les plus gros capitaux sont entre les mains anglaises ; néanmoins, il défend encore vaillamment ses positions, grâce au prestige de son ancienneté