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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 44.djvu/387

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assimiler le même chitïre d’étrangers ? Aujourd’hui même, les États ne font entrer que 1 pour 100 d’émigrans par rapport à leur population totale (exactement 1, 35 pour 100) : le Dominion va en faire entrer, chaque année, 10 pour 100 par rapport à la sienne.

Le Canada doit attirer, dit-on, une gigantesque émigration parce qu’il est très grand. — C’est précisément, en raison de sa grandeur et du manque de coordination de ses divers membres qu’il devrait aller beaucoup plus lentement en besogne et se donner plus de soin pour absorber chacun de ses élémens nouveaux. Les nations sont fatalement soumises aux lois de la biologie. Si vigoureux soit-il, un corps n’a jamais pu s’assimiler de gros élémens étrangers, qui finissent toujours par le faire périr. Ce n’est point par une nutrition monstrueuse qu’un organisme se fortifie ni qu’une patrie se fonde.

Si encore cette foule cosmopolite, assurément remarquable par la quantité, l’était de même par la qualité ! Mais ces deux termes, comme l’on sait, marchent rarement d’accord, et 300 000 personnes, ramassées partout où l’on a pu les trouver, n’ont guère de chance de constituer une élite. On s’en aperçoit bien à l’ « inspection médicale, » en même temps inspection morale, que le Canada a dû établir en 1902 et compléter en 1904 dans chacun de ses grands ports d’immigration : elle ne passe pourtant point pour bien sévère. Parmi les émigrans qui se voient interdire l’entrée du Canada en raison de leurs tares physiques ou morales, figurent, pour la dernière année officiellement publiée, 1904-1905, en premier lieu des Juifs, des Russes, des Allemands, des Italiens, des Turcs. Mais il est remarquable que, parmi les émigrans qui, après avoir été une fois admis, durent être renvoyés, les trois quarts soient des Anglais, — comme d’ailleurs l’année précédente, — les uns parce qu’ils sont devenus fous ou diversement malades, d’autres parce qu’ils sont une « charge publique, » d’autres enfin parce que l’on a découvert en eux des criminels. Pour ces derniers, le médecin en chef du service fait l’observation que c’est la première fois qu’on en relève un nombre aussi considérable. Quant à l’ensemble des rapatriés, il explique la très forte proportion des Anglais (75 p. 100, tandis que les émigrans anglais font