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50 p. 100 de l’effectif total) en disant que beaucoup d’entre eux ont demandé eux-mêmes à revenir[1]. Il semble donc évident que le recrutement dans les Iles Britanniques est fait trop légèrement pour l’intérêt du Canada.

On s’en serait douté en lisant les rapports de certains agens d’émigration canadienne en Angleterre. Celui de Liverpool se réjouit en 1905 d’avoir pu mettre en route 3 350 émigrans de plus que l’année précédente, et il attribue ce succès au chômage des ouvriers anglais durant le dernier hiver et aussi « à l’aide puissante de l’Armée du Salut[2]. » Voilà qui est pour faire rêver tous ceux qui savent que cette respectable institution protestante travaille surtout, en pays anglais, dans les bas-fonds et les bouges, où elle réussit noblement d’ailleurs à faire pénétrer quelques lueurs d’idéal.

Ces soupçons se trouvent pleinement confirmés par un document arrivé entre les mains de M. Henri Bourassa, qui a dû à sa simple lecture de véritables triomphes oratoires : il justifierait à lui seul toute la campagne nationaliste. C’est un prospectus de Londres, émanant d’une de ces sociétés de philanthropie religieuse analogues à l’Armée du Salut. Ici, c’est la « Church Army » qui fait appel à la générosité du public pour continuer ses envois d’émigrans au Canada : en cette année 1906, elle a « envoyé de la misère du pays à la prospérité du Canada : 3 000 anciens prisonniers, chemineaux, malheureux, vagabonds, ivrognes, apaches (ex-prisoners, loafers, unfortunates, tramps, drunkards, hooligans). On demande chaleureusement des dons en vue de constituer un fonds de 100 000 livres pour l’émigration de 20000 sujets l’an prochain[3]. » On conçoit quel sursaut d’indignation a secoué les Canadiens à la lecture d’un pareil factum leur révélant qui on leur expédie connue frères.

Les journaux anglais du Canada se sont eux-mêmes émus d’un jugement rendu, l’été dernier, dans la Grande-Bretagne. Un journalier était poursuivi pour avoir voulu, avec menaces, extorquer de l’argent à son père. Il avouait et méritait la prison.

  1. Annual Report of the Department of the Interior for the year 1904-1905. . — Part II. Immigration, p. 131 et 132.
  2. Ibid., p. 57.
  3. Annonce parue dans le Church Army Record, de Londres et reproduite en fac-similé dans le Nationaliste, de Montréal, le 28 avril 1907, p. 1. La « qualité » des émigrans s’étale en vedette sur le texte original pour mieux montrer le service rendu à la société anglaise.