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l’Angleterre qui imposerait le trop-plein de ses nationaux à son immense colonie ?

Un commencement de réponse à ces questions se trouve déjà dans les triomphans communiqués officiels qui sont lancés fréquemment d’Ottawa dans tous les journaux, — tels les bulletins de victoire de la Grande Armée, — portant au monde de glorieux chiffres d’immigrans canadiens avec les augmentations sur l’exercice précédent de ceux de race anglaise.

Quiconque veut approfondir la matière n’a qu’à lire attentivement le dernier rapport en 250 pages, qui ait été publié par le ministère de l’Intérieur sur l’Immigration, celle de juillet 1904 à juin 1905 (dates officielles de l’année politique au Canada). Celui-là sera pleinement édifié : il verra fonctionner les divers rouages d’un service très habilement organisé et convergeant tout entier vers un double but à atteindre : l’Ouest à peupler, les Emigrans de langue anglaise à y attirer, — service presque exclusivement occidental et anglophile. Les deux choses vont d’ailleurs ensemble, car si le gouvernement s’occupait davantage des provinces de l’Est, il serait tout naturellement amené à y attirer des coloris français. Le Canada, en effet, se partage de plus en plus en deux parties par un mouvement en sens inverse qui n’est pas sans inquiéter ses amis, le Canada de l’Ouest ou anglais et le Canada de l’Est ou « français, » la minorité anglaise dans les paroisses « françaises » émigrant spontanément vers l’Ouest, comme la minorité « française » dans les paroisses anglaises tend à revenir à l’Est.

Dans son rapport initial, le sous-ministre de l’Intérieur, M. William Wallace Cory, après avoir déclaré que le principal objet de ce ministère, fondé en 1873, est « la concession des terres vacantes sous son contrôle, » se félicite, sans la moindre réserve, de l’énorme proportion des Anglais parmi les émigrans de 1005 :

«… L’année passée, écrit-il, a été la plus heureuse dans l’histoire du pays en ce qui concerne l’immigration. Le nombre total des arrivées a été de 146 266, le plus grand qui ait été enregistré, et non seulement ces résultats sont satisfaisans au point de vue numérique, mais quand l’on considère que 98 902 de ces immigrant, soit plus des deux tiers des arrivées totales, viennent des Iles Britanniques et des États-Unis, et que nos agens dans l’Ouest sont unanimes à apprécier cette classe de